Jours heureux

Comme à son habitude Galisha se précipita sur la porte dès qu'elle fut en vue de la maison. Bien plus finaude qu'Echeyakee elle avait appris à lever la clenche d'un coup de museau au lieu de jouer bêtement de ses griffes en attendant que chocs et secousses fassent son affaire. Mais cette fois-ci n'était pas comme les autres. Elle tomba en arrêt devant les effluves inhabituelles et alléchantes... et l'odeur de son copain Sig dont elle perçevait les reniflements au bas de l'huis.

Echeyakee, lui, marchait nonchalamment au pas de son maître. Peut-être parce qu'il était de nature plus réfléchie, peut-être parce qu'il avait plus d'expérience. Il sentit son poil se hérisser dès qu'il devina une lueur derrière les volets clos. D'un bond il fut devant son maître pour lui signifier l'anomalie. Mais la main de ce dernier et sa voix douce quand il le flatta le laissèrent un instant perplexe avant de le rassurer totalement.

Lui avait un large sourire. Déjà la maison avait un autre visage. Oh, rien de spectaculaire, ni même presque rien de visible en vérité. Mais... c'était dans l'atmosphère, dans l'ambiance des lieux. Il se sentait attendu... et c'était une sensation nouvelle et délicieuse. Les derniers pas qui le séparaient du seuil lui parurent s'étirer étrangement.

La porte s'ouvre sur une ambiance qui lui ravit le coeur. Le couvert est disposé autour d'un couple de bougies déjà à demi-consumées. De bonnes odeurs montent des plats couverts pour ne pas refroidir. D'un regard il intime aux félins qui se retrouvent joyeusement l'ordre de rester silencieux. Son regard se porte sur celle qui est la maîtresse d'oeuvre de ce tableau si doux à son âme, qui est aussi désomais la maîtresse des lieux. Elle s'est assoupie en l'attendant avec encore sur le visage un doux sourire. Sur sa poitrine un livre oscille au rythme de sa respiration silencieuse. Rapidement il se débarrasse de ses sacs et de ses armes avant de se diriger vers la petite fontaine où il se rafraichit un instant en ôtant son amure. Mille détails ont déjà changé. La pièce est décorée, plus vivante, plus colorée. Elle est là. Il se rapproche alors de l'alcôve où elle est étendue.

Délicatement il soulève puis ferme le livre en marquant la page avant de le déposer sur la table de chevet. Puis, s'asseyant doucement sur le bord, il se penche vers le visage de celle qu'il aime. Il sourit, charmé encore en aperçevant à sa main allanguie l'anneau qui fait écho au sien. Il détaille encore ce visage dont chaque courbe, chaque ombre, chaque relief est un ravissement. Elle est si belle, si émouvante. Il observe encore la finesse du grain de sa peau, son cou gracieux, ses longs cils... Il caresse du regard ses épaules et sa poitrine qui se soulève au rythme de sa respiration. Il chasse rapidement la pensée qu'un autre ait pu abuser de ce trésor. Aujourd'hui c'est lui qui en est dépositaire et il n'aura de cesse de... de la faire sienne et de veiller à ce qu'ils s'enrichissent mutuellement, jour après jour.

Enfin il cède à la délicieuse tension exacerbée par l'attente qu'il s'imposait comme pour mieux profiter. Il dépose sur les lèvres offertes, à peine entrouvertes, le plus doux des baisers, prenant le temps de goûter ce fruit si désirable en l'éveillant dans la tendresse. Son coeur s'emballe et il achève de craquer quand il sent une main glisser dans sa nuque et ses cheveux, l'invitant à un échange plus voluptueux.