[Miyawna] Une voyageuse fatiguée

Une longue et frêle silhouette entre dans l'auberge, ses pieds nus laissent des traces humides sur le parquet.
Elle porte une longue robe chaude, du même bleu profond que ses cheveux, qui couvre un ventre rond signe d'une grossesse proche de son terme.

Après avoir salué d'un timide mais doux sourire les personnes présentes dans la salle principale de l'auberge, elle se dirige vers l'aubergiste pour demander, d'une voix légère, un dîner et une chambre.
Elle s'assied ensuite sur une chaise proche de la cheminée pour profiter de sa chaleur en attendant d'être servie.
La lumière des flammes caresse son visage, dansant sur les cicatrices qui la marquent autant qu'elles soulignent ses traits délicats.

Par Cénarius, que cette journée était longue ! Encore un passage chez Helbrek et il serait temps de prendre le chemin du Berceau pour rentrer au bercail. Si sa Lune ne l'attendait pas encore, ça n'allait pas tarder à être le cas, à moins qu'elle ne soit retenue dans le Refuge où ses qualités d'écoute et de dialogue étaient presque aussi vénérées que ses talents de soigneuse. Et puis... avec un peu de chance elle allait le surprendre d'un instant à l'autre comme elle aimait à le surprendre parfois pour lui faire plaisir.

Après un salut à la cantonnade adressé à tous, il s'avança de son grand pas caractéristique vers le Nain qui l'avait déjà repéré et versait d'avance un petit verre de sa petite gnôle personnelle.

- "Salut Helbrek, quoi de neuf ce matin ?"
- "Sont tous en ébullition mon gars. D'puis qu'les mages ont ouveRRts ces damnés poRRtes, ma caisse dépRRime ! J'te juRRe que si j'tenais c'te foutu mago d'mes deux qu'a filé l'secRRet de ce..."

Le reste se perdit dans un marmonnement barbu jusqu'à ce que, considérant l'oeil amusé du barde des Tisseurs au tabard blanc et or, le tavernier s'arrête enfin de récriminer. Le Kaldoreï jeta un rapide coup d'oeil à la clientèle, notant la présence d'une jolie jeune femme gravide et de deux Draneïs autour d'une petite table, ce qu'il souligna à son ami grognon d'un mouvement de menton.

- "Mouais... bon... y'a des compensations..." concéda le Nain en bougonneant, les mains plongées dans sa vaisselle.
- "Les émissaires ont rendu leurs rapports il y'a quelques jours ; les frontières ont été ouvertes." confirma le barde avec un sourire entendu. "Mais... dis moi... c'est qui cette dame ?"
- "D'laquelle est-ce qu'tu paRRles l'baRRde ?" taquina Helbrek qui retrouvait bien vite sa bonne humeur habituelle et dont l'oeil égrillard perçait sous la broussaille d'un sourcil plus que fourni.
- "Hèèè... Je suis presque un Elfe rangé, vieux !" protesta le Kaldoreï, faussement blessé. "D'ailleurs... il faut que je poste une petite note à mes Tisseurs." ajouta-t-il sur un ton malicieux.
- "J'te taquine l'ami... j'en sais RRien j'te RRirais. D'jà vu sa tRRombine mais d'où ?... mystèRRe. Mais tu vas pas nous jouer l'timide hein ! On t'connaît !" s'esclaffa un Helbrek à l'humeur décidémment changeante.

Le sourire en coin du barde autant que son regard amusé en disait long sur leur complicité déjà ancienne. Se tournant à demi pour détailler les traits harmonieux de la jeune cliente sur lesquels jouait la lumière dansante du foyer, il se perdit dans cette contemplation avec une expression un peu rêveuse, se projettant dans un futur qui promettait de n'être pas si lointain.

La porte s'ouvrit à nouveau, grinçant légèrement sur ses gonds qui visiblement supportaient difficilement l'humidité de la région, un écureuil mécanique s'engouffrant en toute hâte à l'intérieur. Il fut bientôt suivi par une silhouette emmitouflée dans une longue cape, couverte de boue, qui gouttait sur le sol de l'auberge.

Pestant à voix basse sur le seuil, Delra ne semblait pas avoir pris le temps de regarder autour d'elle, dégrafant rapidement sa cape dégoulinante, poussant un profond soupir et jetant un rapide coup d'oeil à ses vêtements qui semblaient eux aussi avoir subi le même sort que son pardessus. Elle sortit un mouchoir pour essuyer les traces brunâtres sur ses joues.

Boulon furetait déjà ça et la, laissant de petites traces de boue au sol, émettant toute une symphonie de bips joyeux à la vue du barde. La jeune mage finit par baisser la tête sur la flaque qui se formait sous ses pieds, avant d'adresser un regard désolé à Helbrek, visiblement honteuse, apercevant Crileloup au passage, qu'elle n'osa saluer tout de suite, attendant les réprimandes du propriétaire qu'elle s'attendait à recevoir quant à la propreté de l'établissement.

Tirée de sa rêverie par ces nouvelles présences, la jeune Elfe relève la tête et leur adresse un timide sourire, accompagné, pour la jeune femme boueuse, d'un regard compatissant.
Puis elle s'installe plus confortablement sur sa chaise, repliant ses jambes sous elle et tirant sur le bas de sa robe pour couvrir ses pieds nus. Ainsi installée elle pose tendrement ses mains sur son ventre porteur de vie qui semble aussitôt devenir le centre de son monde.
Son visage prend une expression sereine et elle se laisse aller à observer distraitement l'animation de l'auberge.

- "Bonsoir dame." lança le barde d'une voix douce en s'approchant de la visiteuse, un verre de jus de baies à la main. "Vous semblez bien proche du terme, est-ce que je me trompe ?" interrogea-t-il, curieux et attendri tout en lui tendant le récipient. "Tenez, prenez, c'est offert par la maison."

la jeune elfe relève la tête vers son interlocuteur, un peu intimidée mais souriante.
- "bonsoir, vous ne vous trompez pas, plus qu'un mois" elle baisse les yeux vers le verre offert et le prend "merci beaucoup" elle sourit de nouveau puis désigne la chaise à coté d'elle pour l'inviter à s'asseoir.

La jeune mage s'approche lentement du nain, lui murmurant quelques mots, l'air penaude, avant que celui-ci ne lui tende des clés, qu'elle s'empressa de prendre, rassemblant ses affaires.

Passant devant Crileloup et Miyawna, elle leur fit un simple geste de la main accompagné d'un sourire gêné, se dirigeant vers l'escalier.

- "Ho Delra, bonsoir à toi ! Je ne t'avais pas reconnue ainsi emmitoufflée. Pourtant j'aurais dû reconnaître ta bestiole. Elle fonctionne encore ?" salue le barde, étonné, le visage ourlé d'un large sourire. "Veux-tu boire quelque chose Delra ?" propose-t-il avec un sourire au coin des lèvres devant l'attitude de la petite humaine qui pensait apparemment filer à la kaldoreï.

Se tournant de nouveau vers la visiteuse, il se présente : "Excusez-moi dame. J'oublie de nous présenter : Voici Delra, mage de son état, et on m'appelle CrileLoup. Je suis barde et nous faisons tous deux partie des Tisseurs de Paix."

Avant d'accepter l'invitation à s'asseoir, le barde attend une réaction de son amie humaine pour déterminer s'il y a lieu de lui prévoir une chaise aussi. Puis, s'avisant que probablement elle n'oserait rien sans un coup de pouce, il s'engage : "Excusez-moi dame... est-ce que mon amie Delra peut se joindre à nous ?"

La porte de l'auberge grince encore une fois et, dans la pièce agréablement chauffée, s'engouffrent quelques feuilles mortes emportées par une bourrasque de vent glacial...

Delra s'arrête, faisant face à Crileloup dans ses vêtements en piteux état, Boulon grimpant d'un geste étonnamment habile sur les genoux du barde, puis sur la table, penchant la tête en fixant Miyawna, intrigué.

"- Eh bien... je... oui... je veux bien mais... quelque chose de chaud."

Elle sourit au barde, avant de se retourner vers la jeune elfe, un sourire timide aux lèvres, le regard fuyant par moments.

"- Bonsoir Dame... en.. .enchantée."

La créature bondissante allait lui arracher un éclat de rire. Mais, stupidement peut-être, il eût peur que son rire trop bruyant n'inquiéta l'enfant à naître. Le rire s'étouffa dans une exclamation amusée.

Puis, alors qu'il se redressait pour aller quérir trois tasses de thé bien chaud additionnées de lait et peut-être d'un kimchi sucré, le barde s'interrompit. Il connaissait ce pas... il connaissait ce parfum subtil et délicat qui ne manquait pas d'accélérer son coeur. Un large sourire se dessina sur son visage sans même qu'il ait besoin de diriger son regard vers la porte.

- "Un de plus Helbrek s'il vous plaît." ajouta-t-il avec un ton joyeux.

La jeune mage finit par s'installer en bout de table après s'être débarassée de sa cape, dévoilant des tâches brunâtres sur le devant de sa tunique et de ses pantalons. Croisant les bras devant elle, visiblement gênée par son acoutrement, elle tourna la tête vers Boulon, affichant une moue contrariée.

- Viens par la Boulon... murmura-t-elle à la petite bestiole mécanique, qui semblait ne pas vouloir faire attention aux directives de sa maîtresse, s'étant d'ailleurs rapproché du bord de table face à Miyawna, la détaillant de bas en haut dans un sifflement curieux.

Un petit minois apparaît devant la porte qui se referme sous la pression du vent...

Elle se secoue pour faire tomber quelques goutelettes d'eau.
Elle hume l'air de la pièce, les sens en éveil.

Trois petits pas... Un petit bond pour éviter le pied d'un nain visiblement mal luné...

Elle s'arrête au côté du barde et vient se frotter tout contre ses jambes, le gratifiant d'un câlin "Miaouuuuuu"

Il pose avec soin le plateau sur lequel sont disposées quatre bonnes tasses et une théière fumante. De petits gâteaux de riz agrémentent le repas. D'un geste presque nonchalant il attrape le chaton sous le ventre et le jette sur son épaule.

- "Viens par là ma p'tite Nuala, tu vas te faire écraser ma toute belle. Ca serait dommage non ?" adresse-t-il à la jeune féline d'un ton câlin tandis qu'elle plante ses petites griffes dans son gilet de cuir en quête d'équilibre.

Ravie de retrouver son maître, la boule de poils immaculée se tortillait pour lui léchouiller le nez ou l'oeil de sa petite langue râpeuse, n'hésitant pas à mordiller pour obtenir son dû. Il sourit, amusé, et finit par la décrocher de son épaule après avoir tiré une chaise vide tout contre celle que la druidesse avait désignée et sur laquelle il s'assit enfin, la petite bête sur les genoux.

Cette dernière était figée en arrêt, subjuguée par un Boulon un tantinet provocateur par ses sifflements mécaniques. Un léger coup de doigt impérieux sur le museau rose ne suffit qu'à peine un instant à dissuader la chasseuse.

Il se rappelle vaguement une histoire de giffures de chats et de femmes enceintes dont il a entendu parler pendant sa formation de chirurgien urgentiste. Mais il y a si peu de temps que les femelles kaldoreïs tombent enceintes qu'on ne savait pas trop quoi en penser les concernant. Dans le doute il pivote un peu, juste assez pour mettre Miyawna hors de portée d'un bond hasardeux.

Boulon regarda un instant la nouvelle venue, jaugeant un instant l'animal, puis finit par se tourner vers sa maitresse, trottinant sur la table vers le bras qu'elle lui tendait, pour venir se poster sur son épaule, lachant quelques sifflements qui auraient pu passer pour féroces si la petite bête mécanique avait été plus imposante.

- Chut Boulon... Calme toi... Elle va rien te faire...

La jeune Elfe sourit à toute cette agitation sans se départir de son air timide, oubliant de répondre au barde elle suit chacun du regard en restant muette, puis elle fouille dans son sac avec un regard amusé pour l'animal féroce qui défend sa maitresse et fait rouler un petit écrou sur la table à son attention.

Elle pose ensuite son regard sur le minuscule félin et lui sourit en laissant échapper un ronronnement amical, puis regarde le barde, remarquant ses attitudes gênées.

- "je ne suis pas si fragile que ça messire, rien qu'à l'extérieur de cette ville les crocilisques sont plus aggressifs que vos animaux de compagnie"

Boulon observe un instant l'objet sur la table depuis son perchoir, tête penchée, avant de bondir agilement sur la table pour s'en approcher, curieux, le détaillant sous toutes les coutures sans y toucher.

La jeune mage avait, quant à elle, posé son attention sur le chaton, visiblement attendrie, mais hésitante à avancer sa main.

Jaylini était venue, Aénor, Isolder et Soez s'étaient bientôt joints à eux. Isolder avait comblé ces dames en offrant de petits cadeaux vivants très exotiques qui avaient fait sensation. Ils avaient discuté un peu autour de l'idée des Tisseurs en la présentant à Miyawna, de façon plus ou moins dissipée. Isolder faisait des pieds et des mains pour avoir des bisous du barde, Soez pour avoir de bisous d'Isolder, Echeyakee pour avoir des caresses de Soez, etc.

Jaylini restait fort silencieuse, bien plus que de coutume. Il ne put savoir, dans le peu de temps qu'il put passer en tête à tête avec elle, de quoi il en retournait vraiment. Il n'avait pu que l'assurer de son soutien et être rassuré en retour.

Le dénominateur commun était la Porte Noire. On sentait bien la place qu'elle occupait dans l'esprit de chacun. Soez refusait d'entendre que CrileLoup et Aénor envisagent de porter secours aux forces d'Azeroth engagées dans ce combat et se mortifiait d'avance en prévision de mille drames.

Ils avaient tenté de l'aider au mieux mais la Gnomette était tendue comme un arc. Le barde s'ouvrit de ses soupçons à Aénor puis à Jaylini qui ne purent confirmer complètement mais l'assurèrent que telle était aussi leur impression. Un attachement si rapide ne laissait d'étonner le barde mais... que savait-il du coeur de l'exilée de Gnomeragan ?

Autant pour se défouler que pour se vider un peu la tête, CrileLoup et Jaylini se retrouvèrent pour échanger quelques passes d'armes, choisissant spontanément le combat à mains nues, à la fois plus éprouvant et moins dangereux. Ils semblaient avoir l'un et l'autre besoin de se changer les idées au moins un moment dans une activité plus physique.

Miyawna avait participé à hauteur de ce que lui permettait son état : exprimant avec tact son opinion sur tel ou tel sujet. Elle était à l'écoute, tâchant de s'imprégner de l'ambiance et des petites histoires qui faisaient la Trame de tous ces Fils croisés. Le barde l'observait parfois à la dérobée. Hormis une timidité peut-être un peu ennuyeuse, et une réserve concernant le compagnon de cette dernière qui - il l'espérait - ne lui ferait pas d'ennuis suite à son engagement chez les Tisseurs de Paix, il se réjouissait d'avance en flairant une recrue de qualité.

Le manque de sommeil, bientôt, se fit cruellement ressentir, et ils se logèrent donc directement à l'auberge de l'Eau-Profonde. Mine de rien... ça faisait un moment qu'ils n'y avaient pas séjourné.