Que de bouleversements, que de contradictions, que de perturbations...
Tout se bousculait en ce moment dans la tête de la jeune Elfe. Elle était prêtresse de fait mais n'en porterait pas encore le titre, ceci pour une raison qui lui laissait un amer goût d'injustice dans la bouche. Ainsi en avait décidé sa Mère et cette sentence ne supportait aucun appel. Et puis, paradoxalement, cette nouvelle frustration avait commencé à la libérer d'un poids. A la tension permanente née de son désir d'excellence succédait une sorte de relâchement. Arriverait-elle un jour à satisfaire celle qui lui avait permis de venir au monde ? Parviendrait-elle enfin à se faire reconnaitre d'elle ? Etait-ce finalement si important ?
La prêtresse A'moora avait été implacable et l'avait durement rappelée à l'ordre. Elle était retournée à la Combe de Nijel la mort dans l'âme, car c'était là que le devoir l'appelait. Elle y avait retrouvé des amies et sa complice : C'est dans le regard de Dylinrae qu'Aelwenn avait trouvé le réconfort et la tendresse qui lui avaient permis de soigner ses plaies. Elle avait tenté toute l'après-midi de multiplier les missions, de les enchaîner sans trêve, cherchant plus ou moins consciemment à s'abrutir dans l'action, à imprimer un rythme qui l'aurait laissée épuisée. Mais le contrôle avait fini par lui échapper. Ses amies étaient plus résistantes qu'elle et c'est comme un pantin qu'elle finit cette journée, le corps vidé mais l'âme toujours aussi douloureuse : sa fuite était un échec.
Elle n'avait pas eu, ce soir là, la souplesse d'esprit nécessaire à un dialogue constructif et avait encore moins su trouver les mots pour instaurer une atmosphère conviviale. Il y avait là une jeune humaine répondant au nom de Kurath et c'est avec une grande maladresse qu'elle la prit en exemple pour une démonstration oiseuse dont elle ne partageait pas elle-même la conclusion à laquelle elle voulait aboutir et qui était censée illustrer le raisonnement du haut-clergé de Darnassus.
Dylinrae l'avait accusée sèchement d'être méprisante.
Ca n'était rien, une goutte d'eau. Elle aurait dû en rire probablement, comprenant au delà des mots le désir de sa cousine de la voir plus avenante sans doute. Mais Dylinrae l'avait prise au dépourvue et frappée au creux de sa maigre cuirasse. Le coup avait porté, lui avait fait monter les larmes yeux, plongée dans un douloureux chagrin, noyée dans un sentiment de solitude si intense... si poignant. Elle sentait son coeur battre fort dans sa poitrine et ses oreilles bourdonnaient. Désorientée, elle n'avait pu que tituber jusqu'au bord du plancher, cherchant une sérénité improbable dans le spectacle du désert nocturne, n'y trouvant qu'un écho à la désolation qui lui rongeait le coeur.