Ils avaient accouru quand elle avait appelé à l'aide. D'une voix désespérée elle s'accusait du crime de celle qui la poursuivait depuis des jours : Celya.
Comment avait-il pu être aussi fou ? Elle n'avait rien dit de ce harcèlement mais il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre combien devait être insupportable la sensation de se savoir épié jour et nuit, surveillé et traqué partout. Elle avait masqué sa difficulté et il mesurait combien était loin le temps qui les avait vu unis.
Louve elle était, et probablement resterait, mais elle n'était plus sienne et cette distance induite par l'amnésie lui était parfois douloureuse quand bien même il savait ne pas avoir de remords à nourrir. "Qu'est ce que l'amour sinon une torture quand il n'est pas partagé". Plus d'une fois il avait été abandonné, mais au lendemain d'avoir refait sa vie avec celle qui était tant pour lui, il n'oubliait pas pour qui étaient ces marques, aujourd'hui estompées, qui parcouraient son corps et répondaient en écho à celles que portait cette louve solitaire.
Ils lui avaient conseillé de rester dans des lieux fréquentés, de ne pas s'isoler. Il y voyait un double avantage : le premier c'est qu'il n'imaginait pas que Terenkar puisse attenter publiquement à la vie de la Tisseuse. Il avait trop de risques de se faire prendre et ça signifierait pour lui la fin. L'autre avantage est que ça obligeait Aurorielle à contenir ses émotions, à ne pas se laisser submerger, à ne pas de laisser engloutir trop vite. Il avait gagné du temps.
Sylou s'était précipitée à la rencontre d'Aurorielle et l'avait vite identifiée et prise en charge. Aénor et lui allaient s'enquérir de l'état de Celya car il avait l'intuition que les choses ne pouvaient être si simples. Rien dans les poèmes qu'il avait reçu ne mentionnait quoi que ce soit d'aussi grave et force était de constater que jusqu'à cet instant ils disaient vrai.
Il devenait urgent qu'il entame des recherches dans les bibliothèques de l'Alliance et de la Horde autant que faire ce pouvait. Les extraits portaient des références. Il était assez probable que l'érudit maître de la Grande Bibliothèque ait au moins une idée de la direction ou chercher. Ce type d'indexation demeurait rare et s'il avait croisé ce genre d'ouvrage, il en aurait probablement le souvenir. Il faudrait le rencontrer au plus vite. Et sinon lui... alors il faudrait revoir l'insupportable Gardienne du Savoir Mykos au coeur de la bibliothèque d'Eldre'Thalas qui, malgré ses manières de garce impudente, leur avait toutefois permis d'identifier les runes absconces de l'épée de Terrycia.
En arrivant sur les lieux, la pâleur d'Aurorielle sembla s'accentuer encore. Aucun corps n'était discernable mais les deux chasseurs eurent tôt fait de se mettre d'accord sur une direction : des traces de sang partaient droit vers le sud, traversaient distinctement la route (il avait eu peur un instant que la blessée aient été montée dans une carriole) avant de continuer à travers le sous-bois.
Ils progressèrent rapidement jusqu'à la rivière... où la trace se perdait. Examinant le sol meuble de la rive, le barde eut un instant de doute et demanda à Sylou de lui montrer ses semelles. Pas de doute : un mâle avait rejoint la blessée. Aurorielle se sentait faible et la nuit était trop avancée pour que des recherches sérieuses puissent être entamées même par des Kaldoreïs. Rapidement ils s'engouffrèrent dans une grange dont le métayer était un ami. Sylou disposa ses pièges et le barde décrocha un filet du plafond pour interdire l'entrée.
Anticipant un sommeil difficile, Aénor, douce et prévenante même et surtout dans les instants difficiles, concocta à Aurorielle une tisane apaisante pour lui garantir un endormissement rapide. L'assassin n'en était plus une mais cette révélation la laissait abasourdie presque autant que si elle avait été réellement une meurtrière. Il tenta de la calmer en lui disant quelques mots doux comme au temps qui était le leur tout en sachant que les choses avaient changées. Enfin chacun s'était préparé à la nuit.