Livre des Merveilles du Grand Extérieur

Introduction


Depuis bientôt deux décades entières nous étions réduits en esclavage. Nous passions nos nuits incarcérés dans cette construction de Blafards, nom que les miens attribuaient aux Humains à la peau pâle alors que nous autres Drows avons la peau noire comme la nuit. De jour, nous étions traînés dans le réseau de grottes qui constitue les mines de bauxill de Ruythagan afin d’y travailler jusqu’à l’épuisement. Mais à l'instant où commence ce récit, nous n’avions même pas encore connaissance de ces informations : ni de la nature exacte du minerai que nous extrayions, ni de notre localisation exacte, pas même du nom de ces lieux dont nous rêvions de nous échapper..

Désormais donc presque trois mois que j’étais sorti en Surface et presque un mois entier que j’étais enchaîné avec cinq autres créatures, lié comme un animal ou un esclave à une chaîne passée à ma cheville et aux leurs dans un anneau bien serti. J’avais appris incidemment que nous étions dans leur calendrier au mois de Monribélius, an 602, ce qui correspondait en réalité pour nous autres Drows à l’année 3878, un jour mal défini de la période de Gaalsokmahr. Jour mal défini car j’avais passé un temps indéterminé plongé dans l’inconscience après m’être fait enlever tandis que je parcourais pour la quasi-première fois de ma vie (si j’omets les rares excursions organisées par le collège des Sentinelles) la surface des terres de Krimahaal. Les sordides créatures à la peau pâle qui y pullulent, les fameux Blafards, les avaient rebaptisées Arkiméa, dans leur souci de ne rien préserver de leurs racines authentiques. Que ces créatures sont hideuses.

Comme je le disais à l’instant nous étions six à être entravés sur la même chaîne. Sur ma gauche la longe métallique était courte : Je n’avais qu’une voisine directe dont j’ignorai le nom exact. Il avait une sonorité exotique qui me répugnait. C’était une Blafarde dans toute sa splendeur abjecte : imbue de sa personne, se croyant fort belle et sans doute douée de quelque charme plus que ses congénères. Elle me répugnait. Ses manières étaient parfaitement superficielles et sa préciosité feinte m’aurait fait vomir. En ce qui la concernait, j’étais presque satisfait du mauvais sort qui lui était fait d’être présente ici.

De toutes ces créatures que je côtoyais contraint et forcé, la pire était sans doute l’espèce de Semi-Ork qui était aussi mon premier voisin de droite relativement à notre entrave commune. Pour ceux qui ignoreraient ce dont il s’agit, imaginez une créature bestiale, légèrement plus large et plus lourde qu’un Blafard, dotée d’une peau épaisse vaguement verdâtre et à la pilosité particulièrement développée. Elles possèdent une dentition puissante dont les canines inférieures ont une fâcheuse tendance à émerger de leur bouche énorme malgré la largeur impressionnante du maxillaire inférieur, plus long que tout le reste du crâne. Il sentait une infection dont j’étais encore l’un de ceux qui la supportait le mieux, mon odorat étant à l’image de celui de mon peuple, fort peu développé. Dotée d’une intelligence qui se rapprochait assez de celle des Blafards, cette race maîtrisait une certaine forme d’industrie et faisait commerce assez fréquemment avec ces derniers. Il se faisait appeler Zog et portait sur moi des regards plus qu’étranges que je n’aurais su qualifier. Je m’y connais mieux en Blafards, ma proie favorite pendant toutes ces années passées au Collège. Cependant ma haine va à tous sans distinction et à l’ensemble de leurs alliés. Ainsi le Semi-Ork, ce « Zog Krugoï », n’en était pas exempté a priori.

Venait ensuite Vulpinor, un rude gaillard blafard dont il allait sans doute falloir se méfier, et bien jauger avant de lui trancher la gorge. La créature avait l’air vive et bien charpentée même si elle ne payait pas de mine et peinait à se faire valoir : des précautions s’imposeraient avant de l’éliminer comme tout Blafard qu’il est. De plus, si j’en jugeai à l’aisance qu’il avait pour manier la pioche ou la barre à mine et à les faire parfois vrombir en l’air comme une lame, j’imaginai qu’il avait déjà quelque entraînement mineur dans la pratique des armes de guerre, détail qu’il eut été fort dommageable de manquer et que sa personnalité effacée masquait fort bien.

J’ai gardé pour la fin le portrait de mes deux derniers voisins parce qu’ils n’avaient de cesse de m’étonner. Lénina tout d’abord. Elle était une femelle blafarde et cependant… elle avait montré à mon égard des signes d’empathie tout à fait surprenants. Ma curiosité en avait été attisée et j’en remettrais sans doute sine die son élimination car il me semblait que j’avais beaucoup à apprendre d’elle, d’autant qu’elle m’avait fait plusieurs fois montre de solidarité, ce qui m’avait beaucoup troublé. Je devais en savoir plus tant les ruses de Lolth sont impénétrables. Serait-elle l’invisible couteau, l’arme parfaite infiltrée au sein de l’ennemi par nos puissants conjurateurs ? De plus cette femelle possédait un je-ne-sais-quoi d'envoûtant qui vous pousserait presque à lui accorder une certaine confiance. Méfiance. Le mieux était peut-être de feindre de l'ignorer le temps que d'autres préoccupations lui occupent l'esprit.

Enfin il y avait parmi nous une créature étrange, un hybride. De sexe féminin, cette étrange chimère à la chevelure lumineuse d’un roux intense semblait être le fruit des échanges physiques contre nature et nécessairement démoniaques d’un Blafard et d’une Elfe, à moins que ce ne fut le contraire, cette dernière hypothèse ayant ma préférence d’ailleurs tant il m’eut déplu d’apprendre qu’une femelle de notre race ait pu porter en ses flancs pendant toute une gestation ce genre de monstre sans avoir la bonne idée d’attenter efficacement à ses jours. Y aurait-il d’ailleurs femelle plus lâche et méritant plus l’exécution la plus pénible pour avoir ainsi contrevenu aux lois éternelles du progrès et du perfectionnement ? De cette créature également j’avais beaucoup à apprendre, d’autant que les autres esclaves enchaînés avec moi n’avaient pas l’air surpris de la côtoyer, à croire que ce cas de viol innommable était fréquemment répandu. Si quelqu’un devait mettre fin à ces pratiques dégradantes, contre-nature et parfaitement répugnantes, je souhaitais être celui-là ! Autre élément d’importance concernant cette bête étrange, sorte de résultat incongru d’une expérience d’un nécromancien fou, elle ne possédait plus aucune pigmentation qui l’aurait reliée à notre glorieuse race aînée, tout en ne présentant pas non plus les caractéristiques merveilleuses de nos Albinos sacrés. Elle était donc un mystère vivant dont il me tardait d’apprendre ce que Lolth attendait de moi. Etait-elle une Reine cachée ? Une perle mystique voilée ? Ou bien son apparence était-elle effectivement conforme à la réalité et était-elle même indigne de croiser le regard d’un Drow ? Dans le doute, et en attendant que la volonté de Lolth se fasse claire dans mon esprit, j’allais la traiter avec les égards dus au rang dont elle eut bénéficié si elle avait été des nôtres, sans toutefois trop présumer de la suite.

Qui suis-je moi-même ? Sans doute est-il bien séant, ici comme ailleurs, de procéder à ma propre présentation. Et bien... par où commencer ? Mon nom j'imagine. Je me nomme Nobikudrüel, de la Maison dAermon N’AckeshBeamon. Rüel est le nom de ma génitrice. L'accolage des deux noms suivants, noms de Maison, sans être une chose parfaitement banale, est une pratique traditionnelle dans ma région natale lorsque deux familles, suite à leur agrandissement ou à des alliances, finissent par s'installer en communauté unique au creux d'une faille profonde. Ah, oui, pour bien me faire comprendre il faut vous préciser que je suis un Drow ainsi que nous-mêmes nous désignons, autrement dit un Elfe Noir. A ne pas confondre avec l'autre grande population souterraine, les Durrows, ou Nains de profondeurs. Mon peuple, ainsi que vous l'aurez indirectement compris, a coutume de vivre dans les entrailles de la terre, loin de la surface et de la lumière piquante et brûlante de la Soleil.

Je dois maintenant vous en dire un peu plus, très brièvement, sur la société drow. Dans les grandes lignes, sachez qu'il s'agit d'une société de type matriarcale basée sur un système de castes rigides et de clans fermés. Les enfants mâles sont abandonnés rapidement par leur génitrice - sur lesquelles l'opprobre est jeté et la honte immense d’avoir engendré un fils - soit dans un orphelinat miséreux, soit aux mauvais soins de serviteurs accablés de tâches ingrates. Mon père, que ma mère a toujours ignoré sauf lorsqu'elle avait besoin de lui pour assouvir quelque pulsion, a bénéficié pour une raison inconnue d'une assez grande autonomie d'action relativement à la norme admise. Il put me soustraire à la terrible "éducation" de mes soeurs assez rapidement et m'éloigner suffisamment loin pour que je ne puisse attirer l'attention ni motiver une action regrettable à mon encontre. Il me faut encore dire que mes cinq frères nés avant moi (tout du moins ceux dont j'ai eu connaissance de la naissance) avaient tous disparu, soit directement au moment de la délivrance grâce à l'action rapide de la sage-femme, soit un peu plus tard dans des circonstances malheureusement coutumières au sein de notre société. Sans que ces raisons soient la cause directe de mon exil, considérez en première approche qu’elles n’y sont pas non plus totalement étrangères et retenez par ailleurs que cet éloignement n’est pas de mon seul fait, mais que si je veux entrer à nouveau dans les bonnes grâces de Lolth, il me faudra revenir avec des arguments palpables. Lolth est notre déesse, le Principe fondateur qui maille le monde. Sa Toile est transcendante et immanente. Elle est également surnommée la Déesse-Araignée, ainsi qu’elle se plaît à apparaître dans les visions de ses servantes les plus zélées. On ne saurait échapper à son courroux et toute la société est soumise au joug des grandes prêtresses qui font et défont les Alliances et les Maisons au sein de nos réseaux souterrains. Puissantes sont les Prophétesses qui ont la faveur de Lolth, mais leur pouvoir est généralement de courte durée tant la déesse est capricieuse et le pouvoir qu’elle confère soumis à la pratique publique et intime de rites méticuleux qui règlent le quotidien aussi bien que l’exceptionnel, traditions soigneusement préservées, enseignées et très étroitement surveillées.

Je vous ferai grâce du récit des péripéties qui m'ont amenées à la Surface. J'ai mis de longues semaines à habituer mes yeux à la brillance des étoiles puis des lunes lorsqu'elles sont pleines, et encore aujourd'hui, près de trois mois après mon émergence, je ne peux soutenir la lumière vive du midi sans ciller et me retrouver aveuglé pour un bon moment.

Comme vous le devinez, mon aspect fait fuir bien des gens. Leur réputation précède les miens, non sans raison il me faut bien l'admettre, non seulement pour l'avoir constaté mais aussi pour y avoir participé activement. Ajoutez à cela la parfaite noirceur de ma peau qui vous semble aussi étrange qu'à moi votre pâleur, l'argent de mes cheveux qui n'est représenté chez vous que chez les vieillards, et le rouge de mes yeux sans pupilles, plus habitués à discerner les gradients de chaleur que les couleurs... Vous imaginez sans peine la réaction des craintifs et des geignards. Ceux là, bien entendu, ne méritent pas que je pose le regard sur eux. Malheureusement, votre société est ainsi constituée que certains individus bien nés mais inaptes autant qu’ineptes occupent des fonctions clefs, en conséquence de quoi leur élimination devient plus une source de difficultés qu'une avancée sociale. Mais c'est votre choix et je me dois de le respecter, tout comme je respecte vos femmes là où vous-mêmes vous moquez d'elles si souvent qu'on les prendrait pour des petits mâles drows !

Invasion et Evasion

Ce vent de nulle part, qui gèle la face du monde,
N'a d'égal que le froid qui s'élève de ta tombe.
Tu trembles comme une carcasse qui gémit et qui pleure
Et pourtant tu trépasses, noyé dans ton malheur.

D'espoir il n'est plus l'heure lorsque pointent les Drows
Fuir encore est possible, mais il sera bientôt
Trop tard, car l'étau se resserre et tombent les héros
D’opérette qui pensaient ralentir le fléau.

Fer, larmes, souffrances et pleurs seront ton quotidien
C'en sera bien fini des clairs petits matins
Les entrailles de la terre digèrent ton avenir.

L'affaire est bien scellée, et mort est ton destin.
Abandonne tout espoir, tu n'as que le chagrin
Car à présent seule Lolth, de toi pourra sourire.




Le matin était proche. Bien que la lumière ne pénétrât pas encore dans notre cellule, les bruits provenant de la salle des gardes annonçaient notre réveil prochain, à coups de gourdins, de matraques ou encore de fouets. Cette situation était de plus en plus intolérable et je me demandais si finalement la mort immédiate ne serait pas préférable à cette situation qui semblait ne présenter aucune issue. Combien de temps tout ceci allait-il durer ? N’ayant aucune connaissance dans le travail de la mine, je ne savais évaluer la richesse de cette dernière et si nous étions proches de l’extinction du filon ou bien au contraire au début de son exploitation. Malheureusement, peu de tombes (des trous dans le sol dans lequel les Blafards laissent pourrir les cadavres de leurs morts après les avoir recouverts) étaient visibles, ce qui laissait présager de la jeunesse de l’exploitation au regard des pertes que nous avions déjà subies.

Mais ce matin là fut différent des autres. Tandis que je tentai de relâcher au maximum mes muscles endoloris par le travail de la veille et de profiter de ces derniers instants de repos, un garde pénétra dans la cellule afin de nous réveiller. Subitement des cris jaillirent d’une cellule voisine : « A l’aide, au secours ! Ah ! Quelle horreur ! Pitié non ! Alerte, gardes, c’est horrible ! »

Le garde présent au milieu de nous se figea avec une expression inquiète. Je jaugeai la situation mais mon esprit de prédateur avait été particulièrement émoussé par la situation et je n’eus pas le temps de me décider avant que ce dernier ne se précipitât en arrière dans le court passage qui ouvrait sur le couloir de service.

Et là, stupeur ! Le garde oublia de fermer la porte !

Mon regard croisa celui des autres prisonniers, éveillés par les cris continuels des Blafards de la geôle voisine. Nous avions évidemment tous remarqué la porte toujours entrebâillée, et le garde ne s’était pas retourné, se mêlant à l’agitation que nous percevions dans le couloir desservant à la fois les cellules à gauche, la salle des gardes à droite et en face le réfectoire de nos geôliers et l’accès à la sortie. Des cris résonnaient partout : les manifestations de terreur de la cellule d’à-côté se mêlaient maintenant à des ordres multiples et contradictoires. Des armes étaient tirées et des hommes habillés en guerre se ruaient à l’extérieur. Il fallait combattre notre instinct de fuite, car chercher dès maintenant une issue vers l’extérieur n’aurait fait que nous mettre au contact des soldats, et je nous imaginais mal courir ainsi liés les uns aux autres au milieu d’une situation tactique dont nous ignorions tout. Nos gardiens étaient attaqués par une force dont la nature et la puissance nous étaient totalement inconnues et nous engager plus avant me paraissait voué à un cuisant échec. Je ne voulais en aucun cas prendre le risque d’être repris et traité comme il était prévisible qu’on le soit en pareil cas. Même en n’ayant assisté à aucun précédent d'évasion, nous avions pu déjà constater le traitement qui était réservé aux fortes têtes parmi les prisonniers et nous ne souhaitions rien moins que nous retrouver en pareille situation.

Dans l’immédiat, j’imaginais donc simplement de consolider notre situation. Lolth venait de nous offrir un avantage majeur : la maîtrise de la porte. Le Blafard qui se faisait appeler Vulpinor en était arrivé visiblement à la même conclusion que moi et je m’ingéniai dès à présent à trouver un moyen de bloquer le pêne de la serrure, de sorte à camoufler son inefficacité tout en repoussant la porte en position fermée. Je pensais ainsi que nous pourrions à un instant propice ultérieur bénéficier d’un effet de surprise décisif.

La situation évoluait : Les gardes semblaient avoir le dessous ! Dans quel nid de scolopendres étions-nous en train de tomber malgré nous ? Devions-nous en attendre libération ou au contraire des conditions pires qu’auparavant ? Les combats envahissaient maintenant le réfectoire et se rapprochaient rapidement. Les bruits de lutte se mêlaient désormais aux cris et aux glapissements de terreur des prisonniers de la cellule voisine, visiblement témoins de quelque spectacle peu ragoûtant. Et soudain, la terrible réalité s’imposa à nous : Dans un fracas épouvantable, le corps d’un garde fut propulsé dans le couloir et son agresseur nous apparût dans toute son horreur.

(encore ? ^^)

(après cet arrêt en cliffhanger ? Evidemment ! )

Habillée comme l’un des gardes, la créature en avait également la silhouette, mais de son visage à la peau ridée, parcheminée et partiellement décomposée suintait une aura surnaturelle et terrifiante. Les orbites vides scrutèrent le couloir et repérèrent les étroits passages qui ouvraient sur chaque cellule. Lorsque le mort-vivant sortit de notre champ de vision, nous crûmes constater de notre emplacement que le réfectoire était envahi de ces espèces de zombies qui avaient pris l’avantage sur nos gardes.

Zog Krugoï n’y tint plus et se précipita dans le couloir, bien décidé à en découdre avec ces créatures étranges, entraînant tout le monde à sa suite du fait de la chaîne qui nous entravait et nous rendait solidaires. Je fus précipité sur Vulpinor qui parvint tout de même à se glisser devant moi dans le passage de sortie sans provoquer notre chute. Tandis que nous étions toujours coincés dans le boyau, Zog était déjà au contact et commençait à frapper du poing et du pied les agresseurs. Vulpinor parvint à se dégager et j’étais coincé en arrière. Cependant, pour Zog, les choses tournaient assez mal et il fut rapidement obligé de battre en retraite, attaqué simultanément par plusieurs monstres. Cette chaîne était une malédiction ! Il allait falloir trouver très rapidement un moyen de nous en débarrasser. Dans l’immédiat, je criai à Vulpinor de faire retraite. S’il fallait que nous traînions le corps de l'Ork en arrière, nous devrions nous exposer à ces répugnantes aberrations. Bien qu’il soit très occupé à éviter les coups, il perçut mon signal et saisit enfin sa chance, reculant dans l’étroit passage d’un bond rapide. Nous battions tous en retraite, plus ou moins tassés les uns contre les autres.

Aussi stupides que je l’avais prévu, les zombies nous poursuivirent, s’engageant les uns derrière les autres dans l’étroit boyau qui desservait notre cellule. Je poussai Vulpinor derrière la grille : il était le plus mal en point et la protection de la porte grillagée serait certainement bienvenue. Zog prit la place centrale et moi celle de droite. Qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions : je ne souhaitais pas particulièrement préserver la santé du Blafard Vulpinor. Mais en bon combattant, je savais qu’il était bien évidemment préférable de multiplier les cibles pour nos adversaires, et compte tenu de notre sous-effectif, tous les bras étaient bienvenus. Les zombies se succédaient et des lambeaux de chair cadavérique volaient, arrachés à leurs membres et à leurs visages tant par les griffes et les coups de poings du Semi-Ork que par mes propres frappes du pied. Vulpinor s’empara à travers les barreaux d’un bras qui passait à sa portée. Enfonçant profondément ses ongles dans le tissu de la veste, il força l’épaule à travers la grille jusqu’à arracher le membre à son propriétaire. La créature n’en parut d’ailleurs que moyennement perturbée jusqu’à ce que, recevant quasi-simultanément de ma part un coup sur le sommet du crâne et un autre dans le biais du genou, elle s’écroule aux pieds de la Blafarde dont j’ignorais le nom. Dans la panique, cette dernière envoya un rude coup de pied dans le visage sans expression qui venait de heurter violemment le sol : le pied traversa littéralement le crâne, éclaboussant toute la cellule de myriades de gouttelettes noirâtres. La tête, qui s’était tout de même arrachée en arrière sous l’impact, vint frapper le zombie qui se présentait justement derrière le précédent. Vulpinor lui asséna à travers les barreaux de la porte de violents coups en se servant du bras de la précédente créature comme d’un gourdin. Le Semi-Ork repoussa une première fois puis une seconde fois les assauts de la bête et je lui balançai moi-même un bon coup de pied à l’estomac. L’arme improvisée de Vulpinor se désagrégea progressivement et devint très vite inutile. Surexcité, ce dernier tenta d’atteindre le zombie de côté à travers la grille et y parvint une première fois. Le second coup de poing, pourtant envoyé de bon cœur, heurta avec une violence incroyable un barreau de la cellule. Nous perçûmes tous nettement comme un craquement de brindilles ! La main cassée net, le combattant sombra illico dans l’inconscience en se tordant instinctivement en boule. Mais la majeure partie du travail est faite. Gênés par les restes de leurs prédécesseurs qui encombraient désormais le passage, les zombies, qu’aucune infériorité tactique n’arrêtait, vinrent à leur tour participer à la boucherie et se firent laminer sous nos impacts, sans coup férir.