Sokhan somnolait tranquillement dans un coin d'ombre longuement choisi, se tournant et se retournant, frottant sa fourrure contre l'herbe grasse en émettant de petits feulements semblables à des rires... Allez savoir ce qui se passait dans le crâne du félin... Dormir lui semblait d'un bien plus grand intêret que regarder sa maîtresse répéter inlassablement les mêmes passes d'armes, encore et encore...
En effet, Terrycia, courtement vêtue, rejouait inlassablement ce ballet gracieux et fluide, moyen comme un autre de chasser ses idées noires... On devinait presque un adversaire là où ses coups d'estoc fendaient l'air. A chaque mouvement, sa lame flamboyait... Flammes aussi froides que le métal qu'elles recouvraient, mais plus brûlantes que de la lave en fusion pour les créatures originaires du Néant... Dans un geste ample et vif, elle se redressa, sur la pointe du pied, jambe relevée, l'épée pointant vers l'horizon, prête à fondre à nouveau sur sa proie imaginaire... Son regard se posa sur le fil de la lame, jusqu'à la pointe.
"Tu l'as tuée..." pensa-t-elle, le métal fendant l'air à nouveau, de multiples flammèches crépitant dans l'air autours de la bretteuse, qui redoublait d'ardeur dans les passes suivantes. Chaque nouvelle arabesque semblait de plus en plus portée par la rage et l'amertume qui montait peu à peu en elle.
"Mais... tu es tous ce qu'il me reste d'elle..." Des perles de sueur goûtaient sur son front et sur ses muscles tendus sous la pression qu'elle leur imposait. Haletante, chaque nouvelle attaque était une occasion pour Terrycia d'extérioriser un peu plus le poids qui pesait sur ses épaules. Ce ne serait que temporaire, elle le savait...
L'elfe se laissait emporter, virevoltant dans une chorégraphie mortelle, ses sentiments prenant toujours plus le pas sur sa concentration. Sokhan releva la tête, observant sa maîtresse dans un léger grognement. Puis l'acier rencontra la roche, s'y enfonçant comme dans du beurre, avant de se stoper net. Un hurlement de douleur... Ses muscles avaient atteint leur point de rupture et l'interruption soudaine de ses mouvements avait terminé le travail...
Elle lâcha son arme, tombant à genoux, épuisée, à bout de souffle, les larmes lui montant aux yeux. Le tigre se releva doucement, s'approchant d'elle. Elle glissa sa main dans la fourure de l'animal, son bras douloureux replié contre son torse, laissant libre court à sa peine, le regard fixé sur la lame flamboyante...
"Larme du Coeur..."