Message urgent.

Silwenne entra dans l'auberge, se dirigea directement vers le tenancier et lui tendit un vélin cacheté avec un air des plus sérieux.

- C'est important...

Amis Tisseurs,

Ma précédente demande n'ayant eu aucun résultat il devient réellement urgent que nous puissions nous rencontrer car la situation ne fait qu'empirer. Je serai demain, dimanche, à la taverne de la Quille Brisée, à Cabestan.

Chère Silwenne,

Nous avons attendu de tes nouvelles la dernière fois chez Helbrek mais l'état d'Aénor ne nous a pas permis de nous rendre disponible.

Nous ferons de notre mieux pour te rencontrer mais elle est encore faible et tu comprendras aisément que je m'en préoccupe.

N'hésite pas à faire appel aux autres tisseurs : Arlequïn, Jay, Aewyn si nous ne sommes pas présent ou laisse nous un message.

CrileLoup
Barde des Tisseurs de Paix
(Et Aénor pas loin derrière qui se remet doucement)

Passant par Menethil, Silwenne alla voir l'aubergiste pour avoir des nouvelles. Celui-ci lui remit la lettre du barde, qu'elle lu en arquant un sourcil. Rapidement elle écrivit une réponse sur son carnet, arracha la page et la tendit au Nain.

Monsieur Crileloup,

Je ne m'attendais pas à ce que vous veniez vous plus qu'un autre, mon message n'étant pas nominatif, n'importe lequel des Tisseurs est le bienvenu. Que celui ou celle qui peut se déplacer vienne me retrouver, vous ou n'importe qui, peu m'importe du moment que c'est quelqu'un pour qui la Paix doit être préservée.

Le temps nous est compté.

Silwenne Aelfwine.

L'entrevue s'était prolongée fort tard dans la soirée. L'air du large adoucissait agréablement la chaleur des Tarides et le vin rosé des collines de Cabestan mettait de la gaieté au cœur de ceux qui prirent un plaisir visible à se retrouver sur une petite hauteur non loin de la taverne de la Quille Brisée.

CrileLoup et Aénor avaient retrouvé Lysandrie et Silwenne. Les deux jeunes femmes avaient l'air en bonne santé physique et morale et de se plaire toujours autant à leur compagnie réciproque. Après s'être enquis de leur volonté de retrouver le lien avec les Tisseurs de Paix et s'être assuré en quelques questions qu'il n'y aurait aucune objection à cette réintégration, elles reçurent un nouveau fil runique enchanté en remplaçement de celui de Lysandrie, quasiment détruit, et de celui de Silwenne, perdu.

Elle avait, en vérité, été agressée. Deux personnes dans le peu de souvenir qu'elle gardait de cette scène : une Sindoreï entièrement vêtue de cuir sombre et sans masque, et un Orc, sans doute celui qui lui avait porté le coup qui l'avait assommée et à la suite duquel elle était dégringolée presque jusqu'à la mer, retenue simplement par le tronc d'un palmier judicieusement placé et qui l'avait probablement sauvée de la noyade. Ses agresseurs l'avaient laissée pour morte avec un objectif qu'ils ne parvenaient pas à saisir par manque d'éléments.

Et puis Silwenne présenta une amie : une Orc du clan Chanteguerre qui vint interpeller les Tisseurs sur le cas de Takeo. Ce fou de guerre semblait avoir des velléités d'actions armées dirigées carrément contre Fossoyeuse. Le barde sourit de l'échec annoncé de cette cinquantaine de chiens enragés qui allaient se briser les dents sur les défenses de la Reine Noire, mais il n'était pas possible pour autant de rester à ne rien faire devant cette menace imminente à la Trêve.

Après avoir chassé une furtive et pris des mesures pour s'assurer de n'être pas espionnés, il convinrent des mesures à prendre, puis se séparèrent enfin.

Le barde et sa louve rejoignirent leur foyer et retrouvèrent leur fille à l'appétit insatiable qui ne souffrit pas de délai pour être rassasié au sein de sa mère avant que les parents puissent enfin prendre le tendre repos qu'ils méritaient.

Toujours aucune nouvelle de Jaylini. Soit sa mission se prolongeait... soit... Ce silence devenait préoccupant.

Les brumes de chaleur montaient doucement sur les eaux limpides et chaudes de la baie. Les derniers rayons de soleil s'attardaient sur les collines de terre rouge chauffées à blanc.
Le quatuor était assis sur un petit moticule surplombant le port, là où les derniers bateaux accostaient avant de prendre un mouillage pour la nuit.
Aénor avait fini la longue traversée à son rythme, prenant le temps de passer avant chez l'apothicaire retirer les potions de protection contre l'Ombre qui la soulageaient tant. Ca avait un étrange goût de ragout de chaussettes de nain et d'excréments de murlocs séchés.. mais c'était le prix à payer pour ne plus sentir ce froid la posséder toute entière. Elle frissonna en avalant la mixture et le petit rosée frais qui l'attendait à la quille fut le bienvenu pour effacer cet horrible goût persistant.

Cril avait déjà remis un nouveau Fil à Lysandrie, l'échangeant contre le sien tout abimé.
La jolie Silwenne, dont la tenue mettait en valeur ses courbes si féminines, était aux côtés de sa compagne, attentive à ce Fil dont elle ne gardait quasi aucun souvenir. Les trois Tisseurs lui expliquèrent comment et pourquoi elle l'avait accepté en son temps et lui reproposèrent. Sous les encouragements de Lysandrie, elle en accepta un de nouveau, espérant ainsi recomposer quelques pièces du puzzle de sa mémoire qui avait volé en éclat lors de son agression.

Quelques bribes, deux silhouettes, du cuir... mais en vérité peu d'indices concrets pour permettre de retrouver les agresseurs. Pas de noms, ni de parole. Pas d'odeurs ni aucun autre souvenir. Hélas.. les agresseurs avaient bien travaillé... Mais ils n'avaient sans doute pas imaginé que l'humaine s'en sortirait. Le travail pour trouver une piste serait de longue haleine. Mais pas question de baisser les bras pour trouver le fin mot de cette histoire. Lysandrie en faisait une affaire personnelle.

Mais ce soir, c'était surtout pour une jeune orc que les deux femmes avaient conviés les Tisseurs. Cette dernière voulait faire part des plans d'un certain Takeo... Il avait voulu la paix pour faire la guerre, la guerre pour faire un massacre... Il voulait semble t il attaquer la grande Cité de Fossoyeuse. Cela n'étonna même pas Aénor. Elle gardait un souvenir très particulier de lui suite aux conseils de soi disant Paix auquels elle avait été conviée. Elune que la trève était fragile face à ces enragés comme cet humain..
Ils ne pouvaient rester les bras croisés. ils ne pèseraient pas lourd face à des soldats entrainés mais plusieurs moyens d'action s'offraient à eux.

Il était temps de réunir les Tisseurs pour leur exposer la situation. Elle savait que Aewyn avait elle aussi des choses à leur exposer.. et elle craignait que ce ne soit malheureusement dans la même veine... Et puis Arlequïn... Il avait manifesté l'envie de les rejoindre pour de bon et cela l'avait réjouit. Elle avait beaucoup d'affection pour cet ami de Jaylini et pour sa compagne. Jaylini... cela faisait des jours que le Fil n'avait pas vibré de ses pensées. Elle s'en rendait compte à présent, alors que le griffon les ramenait chez eux.
Serrée dans les bras de son aimé, elle tentait elle aussi de remettre en place les souvenirs des derniers temps qui avaient été malmenés par son changement. Etait-elle partie quelques jours avec Vaya ? Etait-ce encore une mission secrète dont elle avait le secret ? Ou bien...

Le déluge qui s'abattit soudain sur eux la sortit de ses pensées et le barde s'empressa de rabattre sur eux sa lourde cape de cuir pour les isoler de cette pluie battante.
A moitié trempés,ils arrivèrent chez eux où la petite, dans les bras de sa nourrice attitrée, hurlait de faim avec sa si jolie voix héritée de son père. Aénor pris soin de l'enfant tandis que, l'esprit préoccupé, il vaquait à ses occupations, rangeant les lourdes armures de mailles et sa hache. La dernière part de gâteau laissée par on ne sait quel miracle par Nedylene ne le tenta même pas. Un bisou à sa fille apaisée et il se glissa dans les draps où Aénor ne tarda pas à la rejoindre. Quelques mots, un baiser et il sombra dans le sommeil.

Elle sentait le froid l'envahir à nouveau, sournoisement. Le chaud de ses veines se glaçait, son coeur se ralentissait.... Après s'être assurée que son aimé dormait profondément, elle se dégagea doucement sans le réveiller, lui posa un léger baiser avant de sortir sur leur grand balcon boire une énième potion, observant la cité si calme alors que partout, les conflits ne faisaient qu'augmenter...

Elle entra sans bruit dans la demeure. Elle avait oublié dans un coin le petit sac qui contenait le nécessaire pour langer sa fille. Elle regarda les deux silhouettes endormies , puis le petit berceau d'Ele et sourit, puis souleva le sac et leva les yeux au ciel : il ronflait vraiment le bougre et pas qu'un peu...

Un reflet sur la commode attira son attention : un encrier et un parchemin posés sur le meuble : l'ecriture soignée du barde.

Elle s'approcha de la terrasse. Son métissage ne lui permettait pas de voir aussi bien dans l'obscurité qu'une pure Kaldorei ; elle parcourut rapidement les quelques notes du barde.

Takeo.... Elle haussa les épaules et reposa le parchemin. Il ne renoncerait jamais, faisant tout au plus semblant d'être "sage" en préparant quelque nouvelle croisade dans son cerveau malade.

Elle reposa le parchemin sur la commode et remit en place le support qui l'empêchait de s'envoler.

Elle ouvrit les yeux. Le support ? une assiette ! ...avec une part de gâteau dessus... Elle regarda la silhouette d'Aénor endormie... et la part de gâteau mourut en même temps que les quelques remords tardifs qui l'avaient effleurée.

Elle sortit, réactivant la rune au passage tout en se léchant les doigts.