Inquiétudes.

Elle était en Norfendre et n'en croyait pas ses yeux..
°Tisseurs ? J'ai l'impression que la Horde et l'Alliance se lancent dans une véritable course à l'armement.. Le Hic c'est que dans certaines régions.. les armes sont pas utilisées contre les bons ennemis.
Je me fais sans doute des idées mais connaissant ce rustre de Wrynn.. Je crains pour l'avenir de la paix.°

°Mmh... on vient de débarquer au Fjord et on découvre à peine la région. Tu parles de quoi précisément ?°

Le barde était inquiet. On disait le roi très marqué par sa captivité, que son caractère était devenu cassant, pour ne pas dire brutal, et qu'il ne faudrait plus compter sur les autorités pour défendre une vision pacifiée - à défaut de pacifiste - de la politique azerothienne.

L'heure de la trame avait-elle sonnée ? De quelles forces disposaient encore les Tisseurs de Paix ? De quelle influence ? Le barde diminué, Aénor affichait plein de bonne volonté mais trop peu de temps pour réellement prendre en main le mouvement qui avait longtemps entretenu l'espoir dans le coeur de tous. Jaylini ne se manifestait plus tellement non plus, ou bien le barde ne l'entendait plus, trop usé par tant de combats, tant de haine, tant de colère sans cesse renaissante. Aelwen, fraîchement promue, n'était pas vraiment très disponible non plus.

Il avait rêvé d'une course de côtes. Le fjord s'y prêtait car il offrait une boucle pleine de difficultés qui représentaient autant de défis pour des cavaliers émérites. Mais le courage lui manquait pour rassembler encore.

Inquiet et las, il ajouta :
°... et que pouvons-nous espérer raisonnablement y faire ? Si l'exemple de Shattrath où chacun cohabitait sereinement n'a pas été suffisant aux yeux de fous ivres de sang, alors qu'ils s'entretuent. Au moins au milieu des glaces, seuls les loups entendront le cri des loups.°

Et pourtant Naël avait raison. Si vraiment des bandes de mercenaires privés de chef - ou d'intelligence, ou les deux - étaient assez stupides pour s'affronter au milieu de nulle part, après avoir affronté les froids et les guerres insoutenables, s'ils étaient capables de mourir aussi stupidement, peut-être que les Tisseurs de Paix pouvaient en sauver un ou deux, et les dissuader d'aller finir leurs jours sans autre linceul qu'un manteau de neige gelée.

°toutes les bonnes volontés sont les bienvenues Aelwen. Cril et moi n'avons pas eu le temps de beaucoup explorer les alentours mais Jay a raison, il faut nous réunir.
Ce soir ? Dans deux soirées ? Dans trois soirées ?°

Ce faisant la prêtresse finissait de d'enfiler une chemise épaisse, refermant les boutons un à un et posa sur ses cheveux relevés un charmant petit calot en feutre épais. La température était descendue largement en dessous de zéro et les feuilles givrées du dehors scintillaient sous la lumière blafarde du petit matin. Cril souriait, venait l'aider malicieusement à finir d'attacher les boutons puis alla nourrir Eche avec une gros morceau de viande de mammouth bien saignante. Les tasses de thé fumaient sur la table, non loin de petits pains au lait odorants.
Les sacs rebondis d'affaires de première nécessité reposaient au pied du lit aux draps en bataille... où un combat d'un tout autre genre semblait s'être joué durant de longues heures...
Les jours à venir s'annonçaient longs...

Blotti dans sa retraite le temps passait, et malgré cela il entendait encore les cris de guerre parvenir jusqu'à lui, la haine lui parvenait tel un écho aux armes qui s'entrechoquaient, aux prémisses d'une nouvelle menace qui s'approchait, et une fois de plus allait mettre à mal ses amis Tisseurs et leurs idéaux.

Il y avait bien longtemps qu'il ne leur avait donné de nouvelles mais il ne se passait pas un jour sans qu'il ne pense à eux, ses amis Tisseurs, et en ces temps noirs plus que jamais ne perdant pas la main, ses pensées allaient vers ses amis se demandant ce qu'il devenaient ainsi que leurs choix face à ce nouveau problème, lui qui avait préféré fuir suite aux choix et problèmes qu'il avait rencontré et dû faire.

Et un soir regardant les étoiles et le ciel tapi de ces dernières se surprit à leur parler...

° Aenor, Cril, Jay, Aelwenn, Soez, Nedylene, Silwenne, Demo, vous tous mes amis, je ne vous ai pas oublié et ne le ferai jamais. je pense à vous et espère vous revoir tous un jour et en bonne santé.
Je ne perds pas la main, qui sait un jour peut être nous retrouverons nous comme à la vieille époque soit autour d'une bière soit devant un ennemi à combattre...
En attendant ce jour je ne vous oublie pas et pense à vous mes amis Tisseurs... Mes frères...

Il baissa la tête sur une larme qu'il laissa couler le long de ses traits, qui depuis s'étaient apaisés et avaient même quasiment disparu. Il rentra doucement dans sa hutte et pénétra dans la chambre où sa Méssa dormait paisiblement, il se glissa dans le lit la serra contre lui et s'endormit, triste, en pensant à ses amis sans doute, eux, partis en guerre tandis que lui avait fui...

Le vent du Nord soufflait depuis deux jours et deux nuits sans interruption. Les rafales glaciales faisaient vibrer les arbres de toute la région. Les dernières feuilles s'arrachaient à leur vie dans un vrombissement sans fin. Dans l'âtre, les dernières buches finissaient de se consumer, déversant un peu de chaleur à la petite pièce. La tempête l'avait surprise alors qu'elle rentrait chez elle pour rejoindre son élu et leur fille et elle avait dû son salut à cette cabane sur le chemin.
Pour tromper l'ennui, elle avait reprisé ses vêtements, lavé quelques affaires, plié les bandages, étudié quelques nouvelles prières que le Temple lui avait confiée.
Et alors que la nuit laissait peu à peu place au jour, que le vent semblait mollir lentement, elle était en train de ranger ses sacs.
Un bric à brac impressionnant... "Un vrai sac de fille" dirait son barde. Elle en souriait d'avance.
Puis méthodiquement, elle se mit à ranger les potions de soin, des bandages. Une robe ou deux, une chemise verte de son élu, un pantalon noir, une robe en laine, des gants, une écharpe, des sandales et un maillot de bain.. Elune quelle idée...
Une plume et des parchemins, quelques lettres pliées, un carnet de route rouge plus qu'usé, son nécessaire de couturière pour parer au plus pressé, quelques sachets avec un peu de poudre étincelante et un écrin avec des cristaux lumineux. Son bâton d'enchanteuse.
Quelques gateaux et fruits séchés. Une outre d'eau de source. Une de café noir. Un paquet de sucettes pour les enfants. Une fiole d'eau de feu... pour les coups durs.
Son tabard bien plié.
Son fil et son cristal reposaient pour le moment sur la table, elle ne percevait rien de ses amis.

Dans le sac de sa tigresse, elle enfouit son marteau qu'elle venait d'enduire d'huile, puis son regard se porta sur la canne à pêche dont elle venait de retirer fil et hameçon.
Le cœur serré, elle la replia, laissa ses doigts glisser sur les quelques mots gravés sur le bois.

"J'espère que tu vas bien mon ami.. Vous nous manquez... Tu me manques..."

Ils étaient vivants. Loin des dangers de ce monde de fous, loin de ces guerres qui déchiraient les peuples. Elle le savait. Elle le sentait dans son cœur. Un jour Elune leur permettrait d'être de nouveau réunis...
en attendant, elle referma le sacs sur ses trésors, enfila sa cape et ouvrit la porte pour affronter le froid.