Où il est question de griffons, de démons et de portails

Où il est question de griffons, de démons et de portails

La nuit avait été partiellement agité, avec les terribles cauchemars de Shalaë, mais c’est malgré tout fraîches et disposes que Shalaë, Nirenia et Velassia se retrouvèrent à l’auberge du Bastion. She’ley et Harwenna avaient disparu, probablement en train de vivre leur passion de façon indécente (selon moi) ou d’être en train d’accomplir une tâche qui nécessitait leur présence de façon urgente (selon Velassia).

« Je dois retrouver le commandant Danath, je pense qu’il doit être dans le bastion lui-même ; vous voulez m’accompagner ou aller jeter un œil ailleurs ? »

Shalaë et Nirenia acquiescèrent et décidèrent d’accompagner Velassia au Bastion. Shalaë, enthousiaste comme toujours, passa sous forme féline pour accélérer son mouvement, et fonça jusqu’au bastion. L’ayant rejointe, Velassia flatta, presque instinctivement, l’encolure du félin, avant d’aller échanger quelques mots avec le garde en faction devant la porte, afin de se renseigner, et vérifier si le commandant était bien présent en ces murs.

Velassia n’est pas une grande amatrice de ces bâtiments aux couloirs étroits et aux escaliers en colimaçon. Déjà, elle a une nette préférence pour les grandes étendues sauvages. Ensuite, comme elle le fit remarquer à Nirenia, cela manque nettement de recul pour tirer à l’arc.

Enfin, elle trouva le commandant, qui lui raconta diverses histoires, sur son passé, les fils de Lothar, le sorcier Khadgar et le paladin Turalyon. Non, je ne vais pas les rapporter ici, tout ceci concerne le passé, et pas ce qui nous intéresse présentement.

« C’est triste… » Velassia, écoutant l’histoire, gratouillait, sans faire attention, la tête de Shalaë, museau posé sur la table pour écouter l’histoire du commandant. « Mais nous sommes là, maintenant ! »

Le commandant jura, assez durement, contre les orcs de la région. Velassia fit une légère moue : elle n’était pas ici pour attiser la guerre entre la Horde et l’Alliance, au contraire, pourrais-je presque dire.

Rapidement, le commandant donna quelques consignes à Velassia et ses compagnes de route : aller parler au sergent Altumus, à la caravane de ravitaillement de l’est, très au fait des actions de la Légion, et au sergent Amadi, concernant des histoires d’orcs d’un nouveau type. Bien que peu motivée à l’idée d’aller discuter orcs et guerres avec un militaire, Velassia accepta d’aller s’adresser au sergent Amadi pour en savoir plus.

« (S) On va où alors ?
- (N) Ha !
- Ha ?
- (N) Allons casser de l’orc et voir votre lieutenant, non ?
- Casser de l’orc ? »
Velassia sembla étonnée à la remarque de Nirenia, qui répliqua, sans se démonter.

« Humpf, une expression, il paraît que c’est mieux que « les immoler et rire de leurs souffrances.
-Enfin, allons voir ce qu’on a à nous raconter… mais je dois avouer que taper sur des orcs n’est pas nécessairement mon but ici. »

Shalaë semblait assez surprise, elle aussi, des propos tenus par Nirenia, qui continua, cependant.

« Soit, soit. La puissance s’acquiert au prix de patience et de sacrifices.
-Vieille tour de garde à l’ouest d’une part… caravane de ravitaillement à l’est de l’autre. Et je ne cherche pas spécialement la puissance. »

Pendant que Shalaë câlinait Madame Tigre qui le lui rendait bien, les jeunes femmes décidèrent de se séparer. Nirenia avait repéré un magasin où elle menait Shalaë pour y faire quelques achats, et Velassia allait repérer où se trouvaient les deux sergents en question.

Alors qu’elle laissait Shan’re la guider, Velassia sortit une de ses cartes, celle de la région où elles se trouvaient, la seule qui n’était pour l’heure pas entièrement blanche. Quelques traits étaient tracés, mais il était évident qu’elle avait encore besoin de nombreux détails pour réussir à en tirer quelque chose. Malgré tout, de nombreuses annotations ornaient déjà les zones explorées.

Velassia rejoignit Shalaë, qui lui explique rapidement que Nirenia avait des affaires à traiter avec le marchand. Les deux jeunes femmes partirent rejoindre le sergent Altumus, que Velassia avait croisée il y avait quelques minutes. Une jolie jeune femmes aux traits marqués, elle plissa les yeux de dépit en voyant les deux elfes arrivés : elle attendait visiblement un bataillon, pas deux aventurières.

Au même instant, une voix terrible et sinistre emplit les airs, résonnant à travers toute la péninsule. Le seigneur funeste Kazzak, dans ses terres, sa puissance absolue s’exprimant de façon totale et non restreinte, rappelait le terrible destin qui attendait ceux qui s’opposaient à lui, sans aucune chance de parvenir à un quelconque résultat.

« Vu que vous n’êtes que deux, je vais me servir de vos talents pour travailler en guérilla. Attaquez et éliminez quelques démons, par là. Ca ne gagnera pas la guerre, mais si vous revenez en vie et que d’autres parviennent à accomplir le même genre de choses que vous, peut-être qu’à force, cela aidera à faire basculer les choses. »

Le sergent était, Velassia le ressentait clairement, une jeune femme douce et pleine de compassion, qui n’en était que plus lasse et abattue par la situation qui n’évoluait pas.

« Tuer des démons ? C’est dans nos cordes, je pense, pas vrai, Shalaë ?
-Oui, comme ça ils viendront pas dans notre chambre !
-Et on dormira sans mauvais rêves !
-Oui !
-On va voir l’autre sergent, ou d’abord affronter ces démons ? »

Velassia avait accepté la mission du sergent Altumus et, se laissant guider par son instinct, se dirigeait vers l’endroit où elle ressentait des présences démoniaques, son arc à la main.

« Euh, les démons d’abord ?
-D’accord ! »

Les deux jeunes femmes firent un rapide massacre, précis et discret, dans les rangs des démons qui s’éloignaient un peu les uns des autres. Un seul moment laissa craindre pour leurs vies, quand un démon particulièrement immense, une sorte de construction organique et artificielle d’une trentaine de mètres de haut, sans même les remarquer, manqua les piétiner. Sans leur vivacité, deux crêpes elfiques auraient remplacé les deux combattantes.

« Trop gros pour nous, celui-là.
-Il était énooorme !
-C’en est presque découragea… mais nous reviendrons avec les autres ! »

Velassia sortit sa carte, nota deux ou trois mots dans un coin.

« Apparemment, on a tué ce qu’il nous a été demandé. Tu veux faire un peu de rab ou on va lui faire notre rapport ?
-Euh… faut aller lui faire un rapport ! »

Velassia sourit intérieurement, heureuse de voir que Shalaë s’impliquait autant dans leur exploration, et montrait un tel enthousiasme. Le sergent apprit à Velassia que le haut commandement tenait à les rencontrer. Apparemment, le massacre des démons avait été remarqué.

« Plein est, dans la vallée des ossements… jusqu’à un saccageur gangréné mort… Je n’ai pas fait attention à un tel cadavre durant le vol en griffon… et toi ? »

Velassia leva la tête, le ligne aérienne en griffon entre la porte et le bastion était juste au-dessus de leur tête. Elle baissa ensuite les yeux, et comprit plus largement le mal-être qu’elle ressentait et les présences qui flottaient tout autour d’elle, étouffantes et oppressantes : le chemin sur lequel elles marchaient était fait d’ossements, essentiellement humains.

« Euh… je ne sais pas ce que c’est… en fait…
-Un gros démon, je pense… peut-être comme celui de tout à l’heure ?
-Euh… alors… par là, je crois…
-Je te suis ! »

Passant à travers des hordes de démons, qui semblaient grouiller dans la région, les deux jeunes femmes mirent pied à terre pour plus de discrétion. Sans trop de peine, elle parvinrent jusqu’à une base de l’Alliance, où elle rencontrèrent le lieutenant nain Kingston, qui gérait les lignes avancées du front.

Il confia aux deux jeunes femmes une mission capitale : aller détruire des portails démoniaques servant à invoquer des renforts aux troupes démoniaques. Il remit à Velassia des amorces, conçues dans ce qu’il appelait la « zone 52 » avant de lui expliquer qu’il fallait récupérer des pierres runiques démoniaques pour les faire exploser et détruire les portails. Bienheureux monde de paradoxes où l’on détruit l’ennemi en se servant de son essence même, que l’on devait récupérer sur le cadavre de ces mêmes démons qui sortaient du portail.

Velassia, au moment de quitter la base, pour s’attaquer au portail, remarqua un homme au visage dur, dont elle sentit le lien, immédiatemment, avec les griffons qui l’entouraient. Il se présenta comme le chef d’escadrille Dabir-ee, et confia à Velassia une mission furtive : aller placer des balises fumigènes pour préparer une frappe aérienne sur Zeth’Gor.

« Une mission furtive, ça te tenterait, Shalaë ?
-Oui !!!! »

Les deux elfes furent interrompues par l’arrivée d’une troisième elfe, accompagnée d’une panthère, qui se présenta et se proposa de se joindre à elles pour aller fermer les portails. Accompagnées de Sheïe, Velassia et Shalaë se dirigèrent vers la zone des portails, qui fit frémir Velassia, tant l’impression maléfique qui s’en dégageait était intense, oppressante et étouffante. Il ne faisait aucun doute que n’importe qui pouvait ressentir ceci, alors, pour quelqu’un comme Velassia, j’ose à peine imaginer l’effet de tels portails. A la destruction, spectaculaire, dans une explosion bruyante, du premier, Velassia sentit un poids s’ôter de sa poitrine, seule une impression de gêne permanente continua à flotter sur sa nuque. Ce ne fut qu’une fois le second portail détruit qu’elle se sentit mieux, même si elle vit d’un œil attristé que des démons, déjà, s’appliquaient, à quelques lieues de là, à en rebâtir un nouveau…

La suite de la soirée fut pour le moins aérienne. Les trois jeunes femmes se retrouvèrent ainsi à découvrir les joies du bombardement à dos de griffon. Comment ça marche ? C’est très simple : prenez un griffon rapide et bien dressé, de préférence assez intelligent. Mettez sur son dos quelqu’un de suffisamment futé pour savoir allumer un explosif sans se faire sauter en vol, et à même de viser pas trop mal. Lâchez le tout au-dessus de portails ou de troupes démoniaques et vous obtiendrez un feu d’artifice spectaculaire et sanglant.

Et hop, un petit tour à la Halte du Fracas, un lieu surprenant, une sorte de gros rocher en pente au milieu du vide, qui a l’avantage d’être pratiquement imprenable une fois occupé, mais qui nécessite de ne pas avoir le vertige et de ne pas glisser.

Une fois sur place, Sheïe demanda à Shalaë où elle avait trouvé son bâton druidique.

« Oh, mais je n’avais pas fait attention, il est joli ! C’est une patte d’ours ?
-Euh… oui, d’ours ! Mais c’est sculpté.
-J’imagine bien. Il est magique, aussi ?
-Oui ! Mais c’est un cadeau des druides !
-Oh, c’est bien. C’est pour te féliciter de quelque chose en particulier ?
-Euh… parce que… ils disaient que j’avais atteint… une grande maîtrise, je crois… »

Shalaë paraissait tout sauf sûre de ce qu’elle avançait, passant d’un pied sur l’autre, un peu gênée.

« Eh, c’est bien, ça ! Et je pense que c’est vrai ! »

Un nouveau petit tour à dos de griffon, un petit massacre de plus, et les jeunes femmes furent félicitées par les entités militaires du lieu. Comme le dit Velassia, le lien avec les animaux qu’elle possédaient était sans doute un avantage évident pour les assauts à dos de griffons.

Prochaine étape : aller rencontrer le grand maréchal Brock. Difficile de décrire l’homme, engoncé dans une armure massive dont l’aura magique était encore plus éblouissante que sa prestance naturelle.

« Des chantiers d’assemblage pour les gros démons comme celui qui a failli nous écraser tout à l’heure, Shalaë… il faut arrêter cela. »

Une des cibles des assauts données par les trois elfes fut une sorte de création démoniaque nommé Tranchescie, qui portait bien son nom : une sorte de démons avec des scies mécaniques greffées à la place des bras. Non contents de vivre avec leur simple essence démoniaque, les démons semblaient faire preuve d’une ingéniosité sans limites pour se rendre encore plus horribles qu’ils l’étaient de base. Ce ne fut pas suffisant pour arrêter les volées de flèches qui les abattirent les uns après les autres, laissant le chantier d’assemblage détruit… du moins pour quelques jours, le temps qu’il soit reconstruit. Mais, reconnaissons-le, quelques jours, quelques heures, quelques minutes même, peuvent faire basculer une bataille.

Le massacre terminé, des canons s’attaquant à un camp de horde détruit, les trois elfes rentrèrent au campement, et le grand maréchal reçut un haussement de sourcil étonné à une de ses remarques, lorsqu’il qualifia Velassia de « tueuse-né ».

Sheïe se sépara de Velassia et Shalaë, qui décidèrent d’aller prendre un repos bien mérité, sans même se consulter :

« Nous rentrons dormir au Bastion, Shalaë ? / On va dormir, Velassia ? J’ai sommeil, moi… »

Et la journée se termina comme elle avait commencé, avec un Shalaë qui vint se blottir dans les bras de Velassia, rassurée à l’idée de bien dormir, en ne dormant pas seule.

« Et… je peux encore dormir vos bras ?
-On n’a pas encore tué assez de démons ? Mais tu peux, bien sûr.
-Ben… c’est que… je dors bien comme ça. »

Velassia monta rejoindre Shalaë après avoir consulté son courrier, remarqué une elfe qui lui sembla étrange. Installée dans le lit, elle se mit sur un coude et ouvrit un courrier, qu’elle avait trouvé sur le corps d’un des démons. L’objet ne dégageait rien de bon, et ni Velassia, ni Shalaë ne comprirent un traître mot de ce qui y était écrit. Malgré tout, cela allait attendre le lendemain, la nuit était bien trop entamée pour se consacrer d’urgence à cela sans risquer une erreur. Quelquefois, il est bienvenu de repousser un peu une action afin de l’accomplir bien mieux. Même si Velassia a plutôt tendance à repousser les nuits de sommeil, pour une fois, elle agit de ce que je considère comme la meilleure méthode.