Ultimes préparatifs

Elle était émouvante, troublante. Dans le secret de l'atelier fermé Jaylini achevait de sortir du bain parfumé dans lequel, longuement, elle s'était plongée. Elle avait allumé toutes les chandelles, toutes les bougies, et même deux beaux lampions qui diffusaient une lumière douce, ivoire, dans une ambiance presque tamisée que même les chants des oiseaux au dehors ne troublaient qu'à peine. On aurait cru qu'elle voulait effacer toute ombre, et ne plus peupler leur regard que de couleurs chaudes et claires à la fois. Chaque lumière était habilement voilée pour diffuser avec douceur une agréable clarté qui nimbait plus qu'elle n'éclairait.

Il la regardait avec un sourire léger, attendri. Il était bouleversé de ces dernières heures de célibat qu'elle terminait en sa compagnie. Elle lui avait offert de partager ces moments intimes, d'être celui qui la préparerait à retrouver son Elue à l'heure des noces. Elle lui offrait sa dernière pureté avant de tourner la page d'une vie qui en comptait déjà plusieurs.

Avec délicatesse il avait passé l'éponge sur la peau bleutée. Un peu penchée, elle avait un instant croisé son regard, craignant de se montrer provocante à l'heure où elle s'abandonnait à ses soins. Mais il n'était plus l'heure d'être viril, l'heure était au plaisir simple d'un bonheur commun dans ces heures déjà empreintes d'une douce nostalgie. Il l'avait lavée avec une grande tendresse, épousant ses courbes avec un immense respect pour ce qu'elle était et se promettait de devenir. Puis il lui avait ouvert un grand drap de lin blanc qu'il refermait sur elle en la serrant dans ses bras. Elle lui semblait si petite à cet instant, débarrassée de tout artifice, petite flamme fragile qui savait pourtant être mordante, mais qui pour l'heure n'aspirait qu'à la douceur d'un instant d'intimité partagée.

Ses lèvres se posèrent très lentement sur la joue satinée. Elle souriait, détendue. Ne subsistait entre eux que l'infime tension pour elle de se savoir presque nue entre ses mains, pour lui presque accessible à des caresses déplacées. Elle était consentante mais non pour l'amour, ou pas tel qu'on aurait pu l'attendre. Elle souhaitait avant tout qu'il lui prodigue les marques de la plus grande complicité, éprouvait le besoin de se sentir désirable, désirée, mais aussi respectée, ressentait le désir de se montrer belle et séduisante une dernière fois. Se hissant sur la pointe des pieds, elle lui rendit sa marque d'affection. La nacre humide de ses yeux trahissait son émotion. D'un mot ou presque il avait compris sa demande. Il s'en sentait plus qu'honoré. Elle en était profondément touchée et reconnaissante.

Il la laissa sécher ses cheveux tandis qu'il effaçait de la peau de nacre azurée les dernières goutelettes qui piégaient la lumière tamisée. Assise devant sa console, aucune ombre ne la dissimulait plus au regard de cet ami à qui elle se donnait et se refusait tout à la fois. Ils se signifiaient, en frange de leurs conscience, dans une longue et ultime caresse d'âme à âme, combien d'autres présents auraient pu être possibles, en jouaient, un peu, mais s'en rassuraient aussi, s'en apaisaient. Un instant avant l'heure d'engager son destin, elle se voyait belle dans ce regard de mâle, elle se sentait simplement aimée. Il se plaisait à lui offrir ce plaisir intime et diffus. Ce soir elle serait mariée.