Un étrange comportement.

Le fil résonne des appels du barde des Tisseurs. Il parle de Thelsian et d'un comportement bizarre qu'elle aurait eu devant témoins, comme si elle était contrôlée ou en proie à une émotion si intense qu'elle en devienne à la fois détachée et comme anesthésiée.
- ... est-ce que quelqu'un sait quelque chose ou bien l'a croisée récemment ?

A l'instant ou il pense ces mots, il est en train d'écrire. Il est concentré, appliqué. Il semble chercher les mots justes, ce qui ne manque pas de faire sourire Helbrek.
- "Alors gars, t'a perdu l'inspi ?"

Le barde ne répond que d'un hochement de tête soucieux qui fait comprendre à l'aubergiste que le sujet n'est pas aussi frivole qu'il l'avait peut-être pensé.
- "Une amie des Tisseurs qui me semble dans le besoin. Elle passe souvent par ici car je sais qu'elle y a sa pierre. Si vous la croisez vous voudrez bien lui remettre ce mot de ma part ?"
- "Ca va."

Devant la mine un peu renfrognée du Nain, l'Elfe se sent obligé à quelques menues explications.
- "Elle ne va pas bien Helbrek. On s'est basé ici parce qu'on a besoin de vous. Sinon je mets directement au courrier mais je préfère que ça passe en direct, je ne sais pas quand elle le relèvera la prochaine fois."
- "Faudrait encore me dire de qui qu'tu m'causes."
- "Oh, oui, pardon. Il s'agit de Thelsian."

<hrp>
Référence : Taverne du Temps Présent. post 35 et précédents.
</hrp>

- "Aïe ! Voici qui n'est pas pour me rassurer !"

Rapidement le barde s'engage entre les tables pour rejoindre sa louve occupée à de subtils calculs de dosage théorique d'essences végétales. Un regard aux notes de sa louve lui suffit à comprendre combien il a bien fait de ne pas s'engager dans cette voie bien abstraite.

"Tiens regarde. Ca c'est ce que j'ai écrit à Thelsian l'après-midi même du jour où je l'ai croisée. La réponse est venue rapidement... mais sa teneur ne m'enchante guère. Tu en penses quoi toi ?"

S'interrompant malgré son évident besoin de concentration, Aurorielle lance à son aimé un regard tendrement réprobateur. Puis, constatant que son inquiétude est sérieuse et visiblement motivée, elle tend la main pour jeter un oeil à ces courriers.

- "Mon Loup, quel ennui de femme ne t'inquiète pas de toutes façons ? Quand ce n'est pas pour ta soeur c'est pour Nedylene, ou pour sa soeur à elle, ou Aelwenn, ou Aénor, ou Gylianell, ou Syliandrhila, ou... "

S'en serait bien suivie une longue énumération d'une Aurorielle à l'humour aussi piquant que pourtant bien sincère dans laquelle il ne lit qu'une invitation à une tendresse réconfortante, mais elle s'interrompt très vite en voyant sa mine déconfite.

"... montre moi." répond-t-elle, coupant court à ses taquineries auxquelles elle ne le sent pas réceptif. "En parlant de courrier, tu as écrit à ta soeur ? Ca fait des jours que tu me dis que tu vas le faire. Elle va finir par croire que tu te moques pas mal de son sort tu sais."

- "Je m'en occupe tout de suite après. J'ai envie d'afficher ça, que chacun prenne bien la mesure de l'urgence. Tu en penses quoi ?"

Elle parcourt les lignes attentivement. Il la regarde. Et son regard n'est pas objectif. Il ne l'a jamais été. Il est le regard le plus tendre. Ce n'est d'ailleurs bientôt plus un regard, c'est un contemplation de cette Elfe qu'il aime et pour laquelle il donnerait tout ce qu'il a. Il a confiance dans son jugement.

- "Fais mon loup." répond sobrement la jeune femme en rendant le courrier avec une mine soucieuse.

Ils ne la revirent que deux jours plus tard, un peu par hasard. Sur le Fil déjà elle avait nié l'évidence. Le jeune Lennwe, prompt à vouloir démontrer sa valeur, la harcelait gentiment en voulant user de magie druidique pour activer les choses. Mais le problème était délicat et l'affronter avec des outils grossiers était prendre le risque de faire plus de mal que de bien. Le barde l'avait gentiment dissuadé.

Thelsian conservait son secret.

Sa conduite était ambigüe. D'un côté elle niait des preuves concrètes et concordantes (le châle, la connaissance du livre de psaumes, sa présence à l'auberge du temps présente), d'un autre elle ne se dérobait pas aux questions ni aux demandes qu'Aurorielle, Lennwe ou lui-même lui adressaient. Ils s'étaient même rendu à Rut'Theran pour tenter de vérifier et confronter des faits à une vérité qui leur échappaient.

Lentement une fissure se fit. Sous la pression de leurs questions des éléments d'importance étaient remontés en surface. Des maux de tête et des absences, elle en avait eu oui. Elle n'avait pas osé leur donner d'importance mais le fait était là. Et, pour elle, ces troubles remontaient à deux semaines, sous le regard d'Hakkar. Ils n'avaient pas été pris au sérieux.

Il était sans doute temps.

Alors, embarrassé, il lui avait demandé de limiter ses interventions sur la Trame. La paix est une chose fragile qu'il fallait protéger contre l'influence d'un esprit malin. Il la laissait juge.

En attendant ça lui faisait une nouvelle bonne raison de retourner à la bibliothèque de Darnassus : D'abord pour essayer d'identifier de quel pouvoir Hakkar avait pu user contre Thelsian et s'il existait un contre-sort, d'autre part pour retrouver des informations sur Melwasul.

L'opportunité était là. Hakkar tremblerait, et il escomptait bien, sinon percer son secret, du moins mettre en évidence des indices, relever des pistes, identifier des hypothèses... aucun Tisseur ni ami des Tisseurs ne restait dans l'embarras si les autres pouvaient l'éviter.

Si Hakkar ne parlerait pas, il espérait bien que cette expédition le ferait au moins refléchir.


[hrp]
Référence : Sea, sex and Trolls
[/hrp]

Plus les minutes passaient et plus il se sentait mal à l'aise. Au sein du groupe régnait un silence pesant. Sa soeur lui avait à peine parlé, occupée à s'enivrer avec Nedylene sans piper un mot. Eäkkyn, le copain de sa soeur et père de ses enfants à naître, n'était pas dans un meilleur état. Feare, que le barde tenait pour un bon meneur, considérait qu'il s'agissait là d'une bonne chose avant d'aller au combat. Une gorgée ou deux peut-être mais là... c'était en continu. Soit le guerrier n'en avait pas conscience, soit il s'en foutait. Et il semblait bien que ça soit la seconde solution.

Il retint une remarque désobligeante pour ne pas nuire à l'absence d'ambiance. Les LunArgents étaient tombés bien bas pour accepter ça dans leurs rangs. Et Nedylene lui fichait la honte... ce dont elle n'avait visiblement rien à faire.

Et ce mutisme général...

Il avait pris soin de présenter les deux personnes qui l'accompagnaient, Aénor et Nedylene. On ne lui avait présenté personne en retour, comme si ni lui ni elles n'avaient besoin de savoir. Le peu de paroles émises étaient des remarques graveleuses et répétées du plus mauvais goût ou des piques pour ridiculiser tel ou tel, souvent Eäkhyn d'ailleurs... gratuitement, presque méchamment à force de répétition. CrileLoup regrettait d'avoir amené Aénor en ces lieux. Il sentait venir le moment où le guerrier aux propos inconvenants s'en prendrait à elle. Nedylene, de toutes façons, n'était probablement plus en état de comprendre quoi que ce soit. Il espérait qu'elle ne se rendrait pas compte de cette ambiance détestable.

Tristesse et dépit... voilà ce qui lui restait.

Alors, avec Aénor, ils cherchèrent des indices : de quoi éclairer l'état de Thelsian, faire un lien avec elle dans les méandres de ces lieux inquiétants et pourtant si fascinants de beauté. Ils étaient en théorie présents aussi pour Isnarel... mais plus personne n'y faisait allusion. Seule cette dernière émettait quelques cris incompréhensibles, comme si elle se sentait liée à la sorcière entourée de chauves-souris que l'on disait victime d'Hakkar, possedée. Pourquoi ? Comment ? Il n'en savait rien. Un "Ca y est, Isnarel est libérée" laconique vint couronner l'ineptie de cette expédition muette où, probablement, chacun était censé connaître sa place et ce qu'il avait à faire.

Il s'était senti d'un bout à l'autre passager clandestin au milieu d'un groupe hostile qui n'opposait que le silence à ses remarques inquiètes au sujet de ceux qui, pour une raison qui lui échappait, trouvaient un refuge dans l'alcool.

Sans doute aurait-il bien fait de s'y adonner aussi.

Et puis, alors qu'ils allaient sortir, une silhouette attira son attention. A peine aperçue il crut reconnaitre cette femme en noire, porteuse d'un châle. Il lui semblait qu'elle entrait dans le temple d'Hakkar... Hallucination ? Il aurait juré que non. Il n'eut pas le temps de s'en ouvrir à Aénor.

Un portail fut ouvert, sonnant l'heure du départ. Il s'y engouffra en se jurant bien de ne jamais repartir dans ces expéditions où tout le monde semble faire la tête et que de longues minutes d'un silence pesant ponctuent chaque victoire sans aucune explication, comme un étrange rituel auquel il se serait senti complètement étranger, exclu. Des objets passaient de main en main... sans un mot, pas plus que de directives pour les combats d'ailleurs. Du temps perdu ? Si seulement. C'est pire, c'était du temps gâché.

Il sentait sa soeur s'éloigner de lui, Nedylene lui avait à peine adressé la parole, pour ainsi dire pas du tout. Il avait besoin de réflechir à tout ça. Rien de positif en tous cas hormis pour Isnarel et cette étrange présence pour Thelsian. Sur le plan matériel, c'était pire : deux potions de soins et une potion de mana avaient été consommées, son matériel avait pris des coups, mis à mal par des explosifs... et hormis un oeil et quelques pièces de cuir...

Soirée déprimante. Il avait même failli quitter prématurément. Mais il se devait au moins à celles qu'il avait invitées. Il s'était ravisé et avait subi jusqu'au bout cette ambiance délétère qui lui avait tordu les tripes.