Tisseurs de Paix
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Guilde pacifiste sur le serveur Kirin-Tor - Jour après jour les Tisseurs oeuvrent à la paix d'Azeroth
 
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 Carnet de guerre-Médecin Major Gwaennola Barov

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Nedylene




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Date d'inscription : 10/01/2007

Carnet  de guerre-Médecin Major Gwaennola Barov Empty
MessageSujet: Carnet de guerre-Médecin Major Gwaennola Barov   Carnet  de guerre-Médecin Major Gwaennola Barov Icon_minitimeLun 27 Avr 2009 - 17:30

La toile battait au vent, il allait pleuvoir à nouveau. De lourds nuages s'accumulaient au dessus de la baie d'Âprefange et semblaient comme vouloir s'acharner sur le poste de secours numéro cinq. Une âme poétique aurait pu y voir l'expression de la tristesse des cieux devant le spectacle de désolation du champ de bataille, une âme dévote aurait distingué un signe de la Lumière noyant sous des trombes d'eau l'avancée inexorable de la horde encombrée de ses lourdes machines de guerres... mais Gwaennola n'était ni poétesse ni dévote. Encore eût-il fallu pour ça elle qu'elle eût le temps de rêver ou prier.

- "Combien cette fois ?" demanda-t-elle en se rinçant les mains.
- "Six, major."
- "Six ! Mais je ne vais jamais m'en sor... j'arrive."

Elle redressa la tête aussi fièrement que ses nuits sans sommeil le lui permettaient et suivit l'ordonnance qui fit mine de ne rien avoir remarqué du découragement et de la fatigue de l'officier médical dont les cernes laissaient à peine entrevoir ses yeux bleus gris. Elle repoussa ses mèches rousses à demi-collés par la boue.

Les blessés étaient couchés sur un brancard pour les plus chanceux, à peine surélevés sur des linteaux mis en place par son ingénieux assistant pour isoler au mieux les malheureux du sol boueux alors qu'ils stationnaient dans la petite tranchée qui menait au poste, une simple fosse à demi-enterrée à l'entrée bâchée et recouverte de rondins. Tel était l'univers de Gwaennola depuis le début de l'offensive sur la citadelle de Theramore dont les navires venaient parfois évacuer les blessés et alimenter le monstre, la guerre, en chair fraîche et en matériel.

Elle ferma les yeux, ne cilla même pas quand le disque tranchant d'une machine orque décapita un des rares arbres restant dans un sifflement sinistre, trop fatiguée pour ça. Elle détestait cet exercice par dessus tout : le triage.

Elle passa devant le premier presque sans s'arrêter. Son assistante, une petite femme énergique et souriante sur les talons. C'est comme si c'était elle qui souriait à la place de Gwaennola, ayant toujours un mot gentil ou un sourire pour les blessés. Gwaennola, elle, ne pouvait pas se le permettre, elle était concentrée.

Combien de temps pour cette jambe ? Combien de chances ? Elle ne raisonnait qu'en termes déshumanisés de blessures plus ou moins graves et plus ou moins longues à soigner. L'autre médecin, un vieux briscard du nom de Gontrand, paladin, ne se laissait pas duper par l'indifférence feinte de sa cheffe. Il avait souvent relevé cette grande femme rousse et fière qui pleurait en cachette. D'un signe discret il mobilisa les brancardiers qui emmenèrent l'homme condamné par une décision qu'on penserait arbitraire et leur emboîta le pas, faisant office d'aumônier.

Elle examina le second, une force de la nature gravement touché par une hache, hésita un moment, mais la constitution de l'homme l'aiderait dans sa tache. Elle fit signe qu'on l'emporte au soulagement du blessé. Tous redoutaient ce regard qui les condamnaient ou les sauvaient, peut-être... Elle souffrait de ce "pouvoir" qu'elle n'avait jamais souhaité.

La pluie tombait à nouveau, ruisselant sur les blessures en un flot rouge clair, collant les cheveux de la femme-médecin, ajustant ses vêtements à ses formes impudiquement révélées. Mais personne ici n'avait la tête a cela. Le troisième blessé, un servant d'artillerie gnome, attendait anxieusement.

- "Que faisais-tu dans le civil l'ami ?"

Les spectateurs furent surpris : il était rare qu'elle enfreigne le silence dans lequel elle se murait.

- "Horloger Major", murmura-t-il faiblement.

Elle hocha la tête en examinant son bras. Le gnome déglutit, comprit, et ferma les yeux. On le porta à l'intérieur.

Le quatrième était un grand gaillard séduisant sous la crasse , blond roux, assez jeune. En écartant la couverture crasseuse, une horrible plaie au ventre lui sauta à la figure, sans doute causée par une hache de jet dentelée comme les affectionnent les trolls. Elle se redressa avec une expression fermée. Presque aucune chance. L'homme la regardait sans rien dire. Elle détourna la tête pour fuir ce regard et continua.

Le cinquième était dans un état pire encore : jambes brisées en fractures ouvertes et plaie au torse. Elle ne comprenait même pas qu'il fut encore vivant. Impossible même avec l'aide du paladin. Elle enchaîna.

- "Eh ! tu va pas me laisser crever salope !"

Sa voix était emplie de désespoir et de peur plus que de colère ; Etranglée, usant ces dernières forces, la sixième blessée, condamnée aussi, lui offrit de quoi boire, ce qui le tuerait sans doute. Il but, renversant la majeure partie de l'eau fraîche qu'il tentait d'ingurgiter. Le paladin s'approcha pour qu'il puisse partir en paix et l'homme retomba lourdement sur le brancard.

Elle ferma les yeux. Un de plus. Combien en avait-elle perdu déjà ?

- "Pas ça qu'il faut s'dire Major, c'est combien nous en avons sauvés ?" Le vieux médecin la surprendrait toujours. "Comment je sais ? je l'ai pensé avant vous. Des années avant vous." Il lui sourit. Elle hocha la tête.

La dernière était une femme blessée d'une flèche, musclée et très jeune, blonde comme les blés et... chanceuse. Ca n'avait pas l'air très grave.

- "C'fait un mal d'chien ! J'va po crever nan ? Moi c'est Jehanne et l'pater va avoir b'soin d'aide pou l' foin."
- "C'est fichu pour la moisson je crois, mais on devrait pouvoir sauver l'essentiel."

Elle fit signe qu'on l'emporte et elle suivit à l'intérieur.

Pour une personne nouvellement arrivée le poste offrait une vision d'horreur et une odeur affreuse de sang, de déjections, de transpiration, d'huile brûlée, celle des deux lampes éclairant les lieux, deux tables d'opération, à savoir : une planche posée sur des tonneaux avec le gémissement des blessés comme plainte lancinante. On avait du mal à imaginer qu'on puisse vivre ici et encore moins y sauver des vies.

- "paske sinon c'ma frangine Arianne qu'va d'voir s'payer l'taff et la frangine elle vaut rien pour ca."
- "Jehanne ?"
- "Ouais ?"
- "La ferme."

Elle se lava les mains en se concentrant puis glissa la lanière à mordre dans la bouche de la jeune femme, coupant court à l'horrible accent de la fermière des marches de l'ouest.


... la saison serait belle se dit-elle en ôtant ses vêtements pour aller, comme à son habitude, effectuer quelques brasses dans le lac Darrow. Elle nagea, songeuse, contemplant à peine la silhouette du château de son père, puis détourna son regard de Caer Barov pour remonter sur la berge et se sécher au soleil, parfois à la grande joie des jeunes hommes des alentours. L'été serait beau et chaud. Elle fronça le nez, allongée nue sur le ventre contre la roche chaude en contact avec ses taches de rousseurs comme elle aimait le faire...

L'epée tomba et rebondit sur le dallage, l'épée de son père. Elle eut un geste hésitant pour la ramasser. On lui serrait la main fermement.

- "Major ?"

Elle cligna des yeux.

- "Bon sang, vous m'avez laissée dormir !"

Elle secoua la tête, encore embrumée.

- "Vous en aviez besoin. C'est fini. Les bandages sont faits et les tables lavées sauf la vôtre. Bougez vos jolies fesses ou je balance le seau quand même."

Elle lui sourit. Ce vieux renard lui était vraiment indispensable. Elle parcourut la salle du regard. Le gnome à l'avant-bras bandé dont seuls deux doigts avaient été amputés, glissé sous une table faute de place, la jeune Jehanne, le colosse, ils dormaient tous. Elle aperçut dans un coin le corps du quatrième blessé et s'approcha. L'infirmière - qu'elle avait fini par surnommer Sourire - lui tendit une lettre ; elle ne souriait pas.

- "Il avait ça sur lui : une lettre de sa femme qui lui donne des nouvelles de son bébé."

Elle lui tendit sèchement, le regard lourd de reproches, une vielle lettre froissée tachée de sang et de boue. Les deux femmes se fixaient, l'une soutenant le regard de l'autre.

- "Vous savez Sourire, ce genre de combats se perdent plus souvent qu'ils ne se gagnent. Il avait une femme et un bébé ? Et lui sous la table ? Et cet autre là ? et Jehanne ? Est-ce vous qui aurez à répondre à leur famille si je passe des heures à sauver juste un seul homme pendant que je peux en soigner trois ? Non, c'est moi et je m'en passerais volontiers. Si vous n'êtes pas assez forte pour rester, partez sans honte mais ne trainez pas dans mes jambes.

- "Vous n'avez pas de cœur, vous êtes juste un scalpel qui respire." La jeune assistante la toisa et s'en alla.

- "Elle est jeune. Elle pensera autrement quand elle aura perdu ses illusions. Ne vous en faites pas."

Le vieux paladin lui sourit, rassurant, puis lui tendant un verre de breuvage fumant.

- "C'est toujours aussi dégueulasse."
- "Toujours !"

Elle but en regardant le corps du quatrième blessé.

- "Ca... ça ne f.fait rien m.madame, c... c'est ainsi."

Gwaennola sursaute en faillant de lâcher sa tasse, incrédule devant ce faible murmure qui montait du corps recouvert !

- "Put... ! C'est pas possible !"

Elle pensait avoir rêvé, abrutie de fatigue, mais vit le paladin se précipiter pour porter le corps jusqu'à la table la plus proche.

Un peu plus tard, elle dodelinait de la tête et s'écroulait presque sur le blessé, mais elle le sentait respirer faiblement et sentait le contact des bandages sous ses doigts. Il vivrait.

Gontrand la porta, les mains encore pleines de sang. Il reprit le reste de fil de suture d'entre ses doigts avant de la mener à sa couche, un simple brancard un peu amélioré et presque propre.

- "Il était têtu ce gars là, presque autant que vous. Mais ça a payé. C'est le genre de choses qui fait parfois du bien."

Elle hocha la tête avec un mince sourire tandis qu'il soufflait la lampe à huile au-dessus de sa couche. Puis il la borda comme un vieux père et retourna s'adosser dans un coin pour fumer sa vielle pipe, non sans glisser au préalable la lettre de sa femme dans la main du blessé qui la serra contre lui.

Elle dormait déjà, comme une enfant, son visage semblant reprendre dans son sommeil cette humanité que son travail la forçait à mettre de coté pour ne pas devenir folle. Elle sourit : une faible lueur dans un océan de boue et de sang, le visage tourné vers son épée, l'epée de son père avant elle, posée sur la chaise avec la gravure sur son fourreau :

"La Lumière ne brille jamais plus fort qu'au fond d'un tombeau."
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